Conan le Barbare

Conan le Barbare est un film d’aventure/fantasy réalisé par John Milius en 1982 avec Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones et Sandahl Bergman

Synopsis: Encore enfant, Conan assiste impuissant au massacre de ses parents par le cruel Thulsa Doom, et est réduit en esclavage. Enchaîné à la roue de douleur, il y acquiert une musculature peu commune qui lui permet, adulte, de gagner sa liberté comme lutteur. Désireux d’assouvir sa soif de vengeance, il part accompagné de deux voleurs, Subotai et Valeria, à la recherche de Thulsa Doom…


Ce 11 janvier, nous avons pu voir dans l’actualité une scène surréaliste où Arnold Schwarzenegger, à travers une vidéo, se montrait très critique envers le président Donald Trump et brandissant l’épée de Conan le barbare (personnage qu’il incarna au cinéma), défendait l’idéal démocratique américain. C’était alors l’occasion de regarder à nouveau le film éponyme de 1982 réalisé par John Milius, considéré par beaucoup comme un pilier de l’heroic fantasy au cinéma. On peut alors s’interroger en se demandant pourquoi ce film est considéré comme culte pour ce genre.

L’adaptation de l’œuvre de Robert Howard

En décembre 1932, les lecteurs du magazine Weird Tales ( magazine publiant des récits appartenant aux genres fantasy, fantastique et science fiction) rencontrèrent pour la première fois le personnage de Conan le Barbare dans une nouvelle intitulée le Phénix sur l’épée. Robert Howard ne le savait pas encore , car cette nouvelle n’était qu’une parmi tant d’autres dans le mensuel, mais son nom allait rentrer dans l’histoire de la littérature. Conan est l’un des nombreux personnages issus de l’imagination de Howard comme le sont Solomon Kane ou Kull, un barbare qui influencera grandement la création du personnage de Conan et que le texan finira par délaisser au profit de ce dernier. Les nouvelles de Robert Howard mettant en scène Conan vont peu à peu séduire le public du magazine notamment par le coté cru et violent qu’elles dégagent , mais aussi par la qualité littéraire de ces histoires puisque Howard était un auteur méticuleux qui n’hésitait pas à retravailler ses textes pour arriver à ce qui se rapprochait le plus de la perfection selon ses critères. Sans le savoir, le jeune auteur était à l’origine de la création des bases de la fantasy moderne et plus particulièrement d’un sous genre appelée la sword and sorcery : un terme apparu durant les années 1960 désignant un pan de la fantasy plus violent, plus sombre et où la magie passe en second plan, voir quasiment inexistante. Les aventures mettent généralement en scène un héros ou héroïne barbare devant affronter un sorcier maléfique ( la magie est vue de manière péjorative). On l’oppose en général à l’œuvre de Tolkien et les autres œuvres qui s’en sont inspiré. Pour revenir aux récits de Robert Howard, Conan évolue dans une période fictive de l’histoire terrestre inventée par l’auteur et remontant aux alentours de 14 000 à 10 000 ans avant notre ère : l’âge hyborien. En effet, Howard était passionné d’histoire et avait écrit des romans historiques. L’objectif de placer le récit des aventures de Conan dans un monde semi historique était double pour Howard. Premièrement, cela lui permettait de coller à son amour de l’histoire et des anciennes civilisations tout en évitant les reproches sur les anachronismes et erreurs qu’il pouvait faire. Enfin, Cela permettait aussi de faire évoluer Conan dans un univers vaste, impitoyable et vague ( mais dans lequel le lecteur pouvait se retrouver sans être trop perdu, notamment avec des noms de régions ou de peuples directement empruntés à l’histoire et la mythologie : Cimmériens, Vanirs etc.) où les possibilités scénaristiques sont sans fin.

le monde Hyborien: la contrée des aventures de Conan

Cependant, la mort prématurée de Howard en 1936 fera tomber son personnage un temps dans l’oubli. Il faudra attendre les années 1960 et 1970 pour assister à la renaissance du barbare à travers des auteurs comme Lin Carter ou Lyon Sprague de Camp qui s’approprieront le travail de l’auteur texan d’une manière plus ou moins honnête et les comics ,notamment ceux de Marvel, qui feront de Conan une icône de la pop culture et forgeront le cliché du guerrier puissant et torse nu qu’on lui connaît.

une BD de Conan parue en octobre 1970

C’est dans ce contexte que le producteur américain Edward Pressman obtint en 1973 les droits sur le personnage de Robert Howard afin d’en faire une adaptation au cinéma. Cependant, le projet séduit peu à l’époque et Pressman ne trouva aucun investisseurs et tous les réalisateurs qu’il approcha refusèrent la proposition, dont Ridley Scott. Mais l’année 1977 bouleversa la donne : le succès du film Star Wars réalisé par Georges Lucas montra à Hollywood que les histoires d’aventures héroïques dans un monde fictif était ce qu’attendait davantage le public de l’époque et l’univers de Conan pouvait très largement répondre à cette demande. Après de nombreux déboires, Pressman abandonna les droits au producteur italien Dino de Laurentiis qui confia quand à lui la réalisation à John Milius en 1979 ( connu pour avoir participé à l’écriture des scénarios de Apocalypse Now de Coppola sorti la même année et de L’inspecteur Harry de Don Siegel paru en 1971) et également la possibilité de modifier le dernier scénario du projet qui avait été écrit par Oliver Stone et que l’on pouvait qualifier de farfelu voir délirant notamment parce que ce dernier était sous l’influence de stupéfiants à l’époque. Milius va alors reprendre l’écriture du scénario en profondeur dont certains éléments s’inspirent de plusieurs nouvelles de Howard comme la Reine de la côte noire, Une sorcière viendra au monde, La citadelle écarlate ou encore La tour de l’éléphant. Il va également insuffler au film sa vision personnelle des aventures de Conan en respectant plus ou moins la pensée de Howard : C’est à dire une quête épique d’accession à la liberté largement inspirée par la philosophie Nietzschéenne.

Un scénario simple mais efficace

Ce qui va faire la force de ce film est le scénario qui est d’une grande simplicité. En effet, la vengeance est l’objectif ultime de Conan qui a vu ses parents et son village se faire massacrer ou réduire en esclavage par le culte de Thulsa Doom. A partir de la, le scénario qui a une base simple mais solide peut faire évoluer Conan en lui faisant affronter des multiples péripéties allant des combats de gladiateurs jusqu’à l’affrontement d’un serpent géant dans une tour. Ce que l’on pourrait reprocher au film est le fait que le spectateur peut avoir l’impression que certaines scènes se succèdent comme si on passait d’une histoire à une autre sans trop de cohérence. Cependant, on pourrait affirmer l’hypothèse que ce procédé reste dans l’esprit des nouvelles de Robert Howard où l’histoire de Conan n’était pas chronologiquement établie et celui pouvait être roi dans une histoire et pirate dans une autre sans explications à propos de ce changement de statut.

La bande son : un atout majeur

Lorsque l’on regarde Conan le Barbare, on ne peut pas rester insensible face à la bande son magnifique composée par Basile Poledouris, qui est peut être objectivement considérée comme l’une des plus belles du cinéma d’aventure. On peut retenir comme titre les épiques Anvil of Crom ( qui ouvre le film) et Riders of Doom mais aussi plus calmes et mystérieux comme les débuts de Riddle of Steel et Atlantean Sword. La bande son est pour le film un avantage non négligeable et l’accompagne parfaitement. Le spectateur a l’impression d’être dans un opéra digne de ceux de Wagner d’autant que certains thèmes que le film aborde sont similaires.

Une interprétation crédible

Gerry Lopez, Arnold Schwarzenegger et Sandahl Bergman dans leur rôle respectif de Subotai, Conan et Valeria

Il serait exagéré de dire que le jeu d’acteurs est parfait, notamment ceux des personnages principaux. Mais on peut toutefois le qualifier d’authentique et il correspond exactement à ce que voulait John Milius. En effet, les acteurs avaient surtout été choisi essentiellement pour leurs capacités physiques. Les trois acteurs incarnant les personnages principaux avaient subi un entrainement sportif intense afin que leurs mouvement durant le tournage soient les plus réalistes et spontanés. D’ailleurs, pour pallier à ce manque d’expérience en tant qu’acteur, le personnage de Conan parle très peu par rapport aux récits de Howard et c’est ce film qui a popularisée cette idée reçue. Ce procédé permettait également de cacher le fort accent autrichien de Schwarzenegger à l’époque que le spectateur pourra admirer si il regarde le film en VO.

Thulsa Doom joué par James Earl Jones

Quand à l’antagoniste, celui est joué par James Earl Jones qui était connu pour avoir doublé Dark Vador dans le premier film Star Wars et dans l’Empire contre-attaque mais aussi pour avoir eu le rôle principal dans le film l’Insurgé paru en 1970 ou il jouait un boxeur noir rejeté dans une Amérique raciste. Ici, on peut dire qu’il joue un Thulsa Doom plutôt convaincant et qui ne sombre pas dans les clichés habituels du méchant classique. Il nous livre une interprétation calme et captivante d’un ennemi qui ne s’oppose pas pour faire le mal mais bien parce qu’il a des valeurs morales différentes de celles du héros.

Le secret de l’acier où l’éloge de la force

Conan et son épée Atlante

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. » Cette citation de Nietzsche qui introduit le film sur un fond noir montre très bien le ton que Milius veut lui donner. En effet, la force physique est au centre de cette adaptation où le personnage s’en sort toujours par la force brute et un mental résistant à tout épreuve qui lui permet de s’émanciper de sa condition jusqu’à atteindre la liberté. On peut faire un rapprochement ici avec la notion du surhomme du philosophe allemand sur laquelle nous reviendrons désignant, pour résumer grossièrement, un individu indépendant qui ne serait soumis à aucune contrainte morale. Le thème de la force est associé aussi au au secret de l’acier qui est mentionné tout au long du film. Toutefois, il apparait comme contradictoire car le spectateur apprendra que ce n’est pas l’acier qui importe mais celui qui porte l’arme comme le sous entend Thulsa Doom: « L’acier n’a aucune force, la chair est plus forte. […] Qu’est-ce que l’acier comparé à la main qui l’a forgé ? « . Cependant, le secret de l’acier place l’épée de Conan et celle de son père au centre du récit. On peut y voir une référence aux romans de chevalerie et aux mythes grecs et nordiques où l’arme du héros est souvent un attribut indispensable pour celui ci. On peut supposer que Milius, qui était pro arme, met en scène de manière poétique sa passion.

Le barbare face à la civilisation

La ville : symbole de la civilisation

Le thème repris des nouvelles de Robert Howard est le rapport de force entre la barbarie et la civilisation. Le texan, lui, avait choisit son camp qui était celui de la barbarie. Pour lui, le barbare était certes synonyme d’une force brute et d’une certaine incapacité à contrôler ses pulsions mais cela valait mieux que la décadence de la civilisation et de son hypocrisie car celle ci pouvait, selon Howard, être plus subtilement cruelle que le barbare. L’univers que Milius met en scène montre un espace occupé par l’homme minime où les ruines, symbolisant la décadence des civilisations antérieures, sont nombreuses. D’ailleurs, le film nous montre un Conan qui n’est pas du tout dans son élément lorsqu’il est dans la ville jusqu’à même perdre sa force brute et entrer dans la décadence. Le barbare est plus à l’aise lorsqu’il est dans son élément qu’est la nature brute, l’endroit ou il peut facilement utiliser tout son potentiel physique. On soulignera aussi la manière avec laquelle Milius met en scène les paysages qu’il filme avec des plans larges permettant au spectateur de profiter de la somptuosité des décors.

Le déicide: l’accomplissement de la quête

Le temple de Thulsa Doom

La scène finale est peut être l’une des plus symboliques du film. En effet, Conan accomplit enfin sa vengeance : il se rend une seconde fois au temple du culte de nuit. Arrivant au sommet de l’édifice, il décapite Thulsa Doom et exhibe sa tête aux membres de la secte. On assiste à la dissolution du culte : les membres éteignent les torches qu’ils portaient en les jetant dans l’eau. La scène étant accompagnée de la bande son de Poledouris est esthétiquement et symboliquement très jolie. Les cultistes perdent la foi après la disparition de leur « Dieu ». On retrouve ici la notion du surhomme de Nietzsche car Conan s’est totalement émancipé de toutes contraintes morales, dans ce cas la civilisation et la religion incarnées par Doom. Il a réalisé au sens premier du terme la célèbre phrase du philosophe allemand : « Dieu est mort ». La scène se conclut par l’incendie du temple qui confirme au spectateur la mort du culte du serpent synonyme de liberté pour le barbare.

Face à un défi qui ne s’avérait pas être des plus simples, John Milius a réussi le pari de faire un film de fantasy qui ne sombre pas dans le nanardisme le plus complet tout en nous délivrant une œuvre plus subtile qu’elle ne parait remplie de philosophie et de références mythologiques. Le spectateur trouvera son compte avec cette fresque épique malgré certains éléments qui, avec le recul, peuvent avoir mal vieillis mais sans pour autant entacher le plaisir jouissif que dégage cette œuvre.


La Note :

9/10

Note : 9 sur 10.

Michael Lombardot
Michael Lombardot
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