Creatura, sur la voix de la guérison

Creatura est un long métrage réalisé par l’actrice, scénariste et réalisatrice espagnole Elena Martin Gimeno, également actrice principale du film. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes 2023 à Cannes.

Synopsis : Dans la maison de son enfance, Mila ressent soudain son corps comme un ennemi. Rétif, il se braque pendant l’amour. Marcel son petit ami s’efforce de comprendre, de parler, en vain. 


Creatura est sensible dans son sujet, touchant dans sa mise en scène et attachant par ses personnages. Le film nous fait suivre la chronologie d’un traumatisme.

Une jeune fille vit une enfance relativement paisible dans son village entourée de ses parents et ses amis, elle est aimée et ne manque pas vraiment d’attention. À l’adolescence, celle-ci développe un rapport très perturbé à sa sexualité. Elle fait certaines choses dont elle n’a pas réellement envie, et n’en fait pas d’autres qu’elle désire. Elle ne le comprend pas elle même, et ne le comprendra peut être jamais. Mais c’est dans un besoin de mieux s’apprendre, et également suite à la séparation avec son petit ami, qu’elle va puiser au fin fond de sa mémoire, tout en questionnant ses parents. Le film est alors conduit par des flashback de son enfance. 

© Avalon

On découvre, ainsi, qu’il n’y a pas de raison universelle à son mal être, et que tout ne peut pas s’expliquer dans le cerveau d’un enfant. Cette petite fille a développé une obsession légèrement malsaine envers son papa. Tout le long du film, la possibilité de l’agression sexuelle et plus précisément de l’inceste se forme dans l’esprit du spectateur, mais il se révèle que la raison n’est pas de cette nature. Elle est extrêmement complexe, trop pour être placé dans une case. 

Lors d’une séance de Q&A avec la réalisatrice, on apprend qu’il était important pour celle-ci que le film soit tourné vers un processus de guérison, et non un problème laissé en suspens. Et lorsqu’on lui demande si elle estime que sa protagoniste (incarnée par elle) est guérie à la fin, Elena Martin Gimeno nous répond que non. Mais qu’elle en est en chemin, et n’est ce pas la plus importante des étapes ? Le film se conclut sur une scène de la protagoniste, allongée nue dans l’eau contre un rocher, se passant de l’eau de mer sur le corps. Un joli parallèle à son enfance où sa mère lui répétait que l’eau de mer guérit tout. 

© Avalon

Creatura est à prendre avec des pincettes. C’est un témoignage de centaines de femmes, que la réalisatrice et sa scénariste ont récolté avant la réalisation du film, afin d’en dégager une véracité qui n’est autre que propre à l’histoire d’une femme au cœur d’une société hyper-sexualisée. C’est un sujet délicat, que beaucoup de femmes ont avoué aborder pour la toute première fois. 

Elles ont réussi à mettre des mots sur des maux peu connus. La dynamique dt motivation de fond du film n’était pas de parler de ce sujet là précisément, mais plutôt de montrer que nos rapports à nos corps, nos sexualités, sont d’une extreme complexité et il serait impossible de tout catégoriser. La sexualité est un sujet vaste qui demande à chacun une réflexion sur soi même, parfois même un retour en enfance, en acceptant que des réponses ne peuvent pas toujours être trouvées. Creatura prône l’acceptation, et l’importance de la communication dans le processus de guérison. Il aborde aussi la mémoire altérée suite à la présence d’émotions. Nos cerveaux vont focaliser sur des aspects qui, nous conforteraient dans une idée. La mémoire est un prisme aussi complexe que le corps, les émotions, et l’humain en général, et Creatura l’a très bien illustré.


Charlotte Trivès
Charlotte Trivès
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