Le dernier David Cronenberg n’a pas levé les foules cannoises. Dans l’ombre de ce qu’il a enfanté – pas forcément un enfant d’ailleurs, plutôt une matière malodorante, une substance – le réalisateur canadien dessine pourtant un croquis qui nous rappelle la possibilité de faire du fantastique sans ressasser jusqu’à l’absurde les schémas d’un genre glorifié pour ce qu’on en attend à chaque produits. C’est que The shrouds fait de son concept une vie, ou au moins quelque chose avec lequel on vit. Il pense son concept dans le monde, le matérialise. Alors que Coralie Fargeat envisage le fantastique comme moyen de figer dans des symboles les dynamiques du quotidien, Cronenberg lui répond en abandonnant cette discursivité totalitaire du concept fait symbole. Le linceul est un objets du quotidien, d’un quotidien qui n’est pas le nôtre et qui nous échappe donc. Son existence dépasse le simple besoin d’une image sémiologique, et sa richesse thématique né des interactions vivantes que l’objet linceul a avec le monde.
Mais quelles sont ces interactions ? Une affaire de regard qui passe au touché. Les écrans des linceuls ou des ordinateurs sont envisagés dans des plans où traine toujours un doigt ou un bout d’environnement, ils sont « parmi ». Surfaces fascinantes, ces objets vampiriques aspirent les vivants car tellement plus stimulants que la matière, réalisant sans limite les besoins du bourgeois. En résulte une réalité dévitalisée, des bouches sans corps. Tout se retrouve de l’autre côté d’un miroir impétré par la caméra. Alors que se passe-t-il quand le vampirisé rencontre accidentellement la matière ? Dans des percées proustiennes, Cassel retrouve le corps perdu via un autre corps. Le retrouvé est alors quotidiennement désintégré dans sa reproduction actuelle, nouvelle « authenticité ». Quittant un vécu du virtuel comme état d’âme, les questionnements moraux liés aux linceuls n’occupent plus le bourgeois. Le linceul n’est maintenant qu’un simple commerce et la réanimation par les corps, dans de purs instants de beauté, se métamorphose en alliance professionnelle passionnée vers l’horizon. Le bourgeois a le beurre et l’argent du beurre.
La Note
7/10