Beetlejuice Beetlejuice: Plutôt deux fois qu’une

À la suite d’une tragédie familiale inattendue, trois générations de Deetz reviennent à la maison de Winter River.


36 ans après le film original, Tim Burton, réalisateur à l’univers singulier malheureusement tombé en désuétude, revient à l’un de ces films les plus culte. Et alors que l’idée d’une suite à cette histoire aussi comique que macabre de fantômes souhaitant chasser les vivants de leur domicile et de démon “bio-exorciste” méchamment excentrique avait tout sur le papier pour susciter la crainte, d’autant plus au regard des dernières réalisations de l’enfant introverti de Burbank, un constat s’impose maintenant que Beetlejuice Beetlejuice est arrivé dans les salles obscures : Tim Burton a peut être retrouvé cette fougue, cette folie et cette excentricité qui faisait tant défaut à son cinéma depuis une bonne quinzaine d’année.

Le premier point à soulever chez Beetlejuice Beetlejuice, et c’est celui qui est le plus pointé du doigt quand il s’agit de relever des défauts du film, est sans conteste le scénario, qualifié a raison de simpliste et brouillon. Mais, dans ce qui semble aux premiers abords êtres un point noir évident au milieu d’un tableau étonnamment réussi, se cache en réalité l’expression la plus réjouissante de la verve si reconnaissable de Tim Burton : une liberté décontractée au service d’une expérience récréative déjantée et diablement généreuse. Bien décidé à ne pas s’encombrer de passages obligés ou de logique narrative, tous les éléments d’intrigue sont voués à servir de prétexte pour la prochaine idée de mise en scène qui va s’épanouir à l’écran dans un rythme comique et décalé d’une maîtrise presque totale. Qu’à cela ne tiennent que le personnage sublimement macabre de Monica Bellucci en ex-femme de Beetlejuice (Michael Keaton) n’ait pas de réelle utilité dans le récit du moment qu’elle trouve une grâce funeste dans son apparition affreusement ludique où les morceaux découpés de son corps viennent se recoller un à un entre eux avant d’êtres maintenus à leurs jonctions par des agrafes, ou dans sa fin expéditive par une utilisation nouvelle des fameuses portes de l’au-delà.

Portes qui, toujours brillamment efficaces dans leur concept (il faut les tracer à la craie contre un mur pour que le dessin s’ouvre sur le monde des morts) font l’objet d’un détournement jouissif et merveilleusement bien trouvé lorsque Beetlejuice en dessine une en forme de bombe dont la mèche prend réellement feu. Si le scénario de Beetlejuice Beetlejuice est sacrifié, c’est bien sûr l’autel de la récréation morbide et malicieuse que cet univers de fantômes bureaucrate sert à Tim Burton sur un plateau d’argent. Est-ce vraiment nécessaire de lui en tenir rigueur ?

© Warner Bros

Le casting lui aussi semble trouver une gaieté communicative dans ce joyeux carnaval de la mort. Winona Ryder de retour en Lydia Deetz, géniale gotique maintenant mère et veuve, médium qui communique avec les morts dans une émission télé géré par son agent Rory dont les expressions passives agressives grinçantes sont sublimées par les expressions faciales de Justin Theroux.

Catherine O’Hara se donne à cœur joie dans le rôle de l’artiste à succès haute en couleurs chamboulé par la mort mordante de son mari (car ici, la mort est d’abord un événement comique) et surtout, le duo de tête d’affiche Michael Keaton/Jenna Ortega crève l’écran. Le premier faisant preuve d’une fabuleuse énergie en s’illustrant comme un magnifique clown hilarant grand-guignolesque qui brille par le côté constamment inattendu de ses interventions. La deuxième incarne à la perfection l’adolescente désabusée à la recherche d’identité et de réponse, opposée au seul modèle parental qu’il lui reste.

Mais évidemment, Beetlejuice Beetlejuice s’illustre aussi par sa plastique. Les fantômes, créatures, environnements surréalistes et autres effets spéciaux s’imbriquent constamment à la perfection dans le cadre grâce à leur rendue qui les rend constamment tangibles. Chaque interaction avec les éléments surnaturels semblent réelles, à tel point qu’on devine bien que la grande majorité d’entre eux ont été conçus en effets pratiques, traduisant une véritable volonté de servir une illusion du réel malgré l’univers loufoque dépeint.

Et c’est peut-être là, la plus grande force de ce film: Peu importe ce qu’il raconte, Tim Burton croit en son monde, en ses personnages, en ses créatures. Et il use de toute sa folie créative pour nous emporter avec lui dans un voyage qu’on attendait plus.


La Note

7/10

Note : 7 sur 10.
Robin Charrier
Robin Charrier
Articles: 17