Aftersun, ou la force d’un film qui repose sur le souvenir

Aftersun est un drame réalisé par Charlotte Wells sorti le 1 février 2023 en salle, en France. On y retrouve comme protagoniste Paul Mescal, nommé pour l’Oscar du meilleur acteur pour sa prestation, ainsi que la jeune actrice Frankie Corio.

Synopsis : Avec mélancolie, Sophie se remémore les vacances d’été passées avec son père vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant.


Bienvenue dans une douce parenthèse de la vie de Sophie. Ou bien est-ce plutôt de deux parenthèses dont il s’agit ici. Celle du moment présent, durant des vacances avec son père des années auparavant, et celle du souvenir. Sophie re visionne les images du passé, à travers ces cassettes, elle espère trouver des réponses. 

C’est avec lourdeur dans la légèreté que la réalisatrice de Aftersun, Charlotte Wells, nous suggère que le père de Sophie est mort, ou du moins parti. Un événement survenu après ces vacances. 

Aftersun trouve ses forces à travers la suggestion, le doute plane et il est plausible que le spectateur se sente entièrement vide en sortant de la projection. Pour autant, il est évident que la réalisatrice souhaite que nous n’en sachions pas plus, pas moins que la petite Sophie, qui en vient à se demander si elle a réellement connu l’homme sur les cassettes. 

Derrière la simplicité de leurs moments ensemble, qu’est-ce que Sophie n’a pas vu ? Du haut de son si jeune âge, comment aurait-elle pu voir le profond mal être de son père. 

Charlotte Wells joue avec le silence. La fidélité de moments de vacances, simples, calmes. C’est une immersion totale qu’elle nous propose, les plans serrés et l’effet caméra embarqué n’y sont pas pour rien. 

Mais on se redresse dans notre siège dès lors qu’elle nous impose un duel, face à face, au père de Sophie et sa profonde tristesse. Il court se jeter dans l’eau, il danse, il fume, il pleure, il saigne, il meurt à petit feu, tandis qu’il tente de donner à sa fille des vacances mémorables. 

On reconstruit avec Sophie les bribes de souvenirs de ses derniers instants avec lui, qui, laisseront à jamais comme un goût amer dans sa mémoire. 

Under Pressure n’a jamais aussi bien pris vie au cinéma. Cette version, nous fout complètement les frissons, la musique parle à l’image et l’image parle à la musique. L’histoire d’Aftersun et les paroles de la musique de Bowie et de Queen ne font qu’un, « This is our last dance ». 

Charlotte Wells revisite l’histoire, une dernière danse où Sophie serre son père dans ses bras, si fort, qu’elle ne le laisse pas partir. 

Mais, il part. 

Comment ne pas tomber sous le charme de Aftersun. Qui au délà des images, est aussi une musique douce et sensible. La bande originale composée par Oliver Coates dégage une mélancolie rare. 

Comment interpréter la fin de Aftersun ? 

Après leurs vacances, le père de Sophie dépose Sophie à l’aéroport, qui retourne au près de sa mère. Sophie lui fait un signe de la main et c’est la dernière image sur cassette. C’est également la dernière fois qu’ils poseront les yeux l’un sur l’autre, un signe de main qui prend donc, tout son sens. C’est alors qu’on se retrouve face au dernier plan du père de Sophie. Celui-ci est face à nous, habillé du t-shirt qu’on reconnaît dans les moments psychédéliques des rêves. On comprend ainsi, que c’est notre dernière scène avec lui, il s’en va. Il ouvre la porte à la mort et nous ne le reverrons plus, du moins, pas avant que Sophie rêve de lui, rêve de le garder auprès d’elle, au moins le temps d’une dernière danse. Derrière cette porte se trouve Under Pressure, se trouve sa fille, adulte, mais avant tout, un moment qui n’a pas réellement existé, car c’est la fin

Ou est-ce plutôt le commencement, pour Sophie, qui est désormais adulte et a eu la force de visionner les images qu’elle redoutait tant. C’est une seconde vie qui démarre pour elle. Une vie où elle se fera peut être à l’idée qu’elle n’aurait rien pu faire, pour le sauver.


La Note

8/10

Note : 8 sur 10.
Charlotte Trivès
Charlotte Trivès
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