Monsieur et Madame Adelman

Monsieur & Madame Adelman, sorti en 2017, est le tout premier film de Nicolas Bedos, réalisateur du très acclamé La Belle Époque, et plus récemment du dernier volet de la saga culte OSS 117. Pour son premier long métrage, il nous embarque dans l’odyssée amoureuse de Victor et Sarah, deux personnages ambitieux, originaux et mystérieux. Il s’embarque alors dans un récit riche, naviguant entre plusieurs époques et entrecoupé de bonds dans le temps et de réalités parallèles.

Synopsis : Après l’enterrement de Victor Adelman, ancien écrivain à succès, un journaliste qui souhaite écrire sa biographie, entreprend une interview de sa veuve, Sarah Adelman. Par flash back, elle va lui retracer plus de 45 ans de vie commune, et le plonger, avec nous, dans une relation passionnée et tumultueuse, pleine de surprises et d’originalité.

Pour un premier film, une telle complexité peut être dangereuse. Alors, ambition légitime ou démesurée ?


Ce film a été pour moi une claque absolue. J’avais rarement été à ce point embarqué dans une histoire, à ce point touché par ses personnages et leurs questionnements. Il commence par mettre en scène la rencontre entre nos deux protagonistes, jeunes adultes dans les années 1970, et remonte le temps jusqu’à leurs vieux jours, en 2015. Le film est une grande fresque qui traverse plusieurs époques, et les retranscrit à l’écran avec brio, que ce soit par le biais de la reconstitution des décors et la qualité des costumes. C’est bien la première qualité du film : la mise en scène se met à la hauteur du scénario pour nous offrir une histoire totalement immersive.

La tonalité des dialogues et les mentalités des personnages évoluent aussi avec leur temps, renforçant la crédibilité de l’ensemble. La photographie change de ton au fil du film, nous donnant la sensation de voir plusieurs longs métrages en un seul. La mise en scène de Bedos est maîtrisée à la perfection. Il est extrêmement généreux avec le spectateur, et on ressent qu’il souhaite dans ce film exprimer tous ces rêves de cinéma.

C’est à ce titre un projet complètement personnel : Nicolas Bedos et Doria Tillier, en couple dans la vie, ont écrit le scénario à deux, et Bedos s’est payé le luxe de le réaliser. Ils ont même profité de l’occasion pour s’offrir leur premier rôle au cinéma ! Là encore, le défi était de taille : les rôles sont de vrais rôles de composition, impliquant beaucoup de maquillage et d’adaptations physiques pour faire évoluer leurs personnages en fonction de leurs âges. Mais, comme pour la mise en scène, le manque d’expérience ne semble jamais poser problème tant ils sont convaincants. L’alchimie du couple, centre du récit, fonctionne à merveille et est logiquement facilitée par le fait que les acteurs soient ensemble dans la vie. Doria Tillier vole d’ailleurs plus d’une fois la vedette à son compagnon grâce à son énergie débordante et solaire. Elle confirmera plus tard dans bien d’autres films, tel que Le jeu, de Fred Cavayé en 2018.

Ce qui est impressionnant avec la qualité de cette mise en scène, c’est que le budget du film n’est pas faramineux : à titre de comparaison, son budget (6 millions) est deux fois moins important que celui de la comédie Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu.

Au delà de cette qualité technique évidente, c’est cette histoire d’amour, loin des clichés traditionnels de la comédie romantique qui m’a embarqué plus que tout.

Le film expose la vie d’un couple peu commun, qui ose tout pour battre l’ennui et la routine, qui souhaite plus que tout ne jamais cesser de s’aimer comme au premier jour. C’est cette originalité qui nous tient en haleine et nous permet de rester surpris tout le long du film. C’est aussi elle qui nous permet de passer par différentes émotions. Le décalage du couple avec la norme se ressent à différents niveaux, comme pour leur relation à leurs enfants (notamment un). Cette richesse d’écriture est jouissive, le film regorge d’idées. D’ailleurs, les deux scénaristes se sont inspirés de leurs jeux d’improvisation pour inventer les personnages et leurs traits de caractère ; par ailleurs, certaines anecdotes sont tirées de vraies expériences de leur entourage.

Au delà de ça, ce que je retiens majoritairement c’est la manière dont il traite la cruauté du temps qui passe et la nostalgie des instants passés définitivement. Voir ce couple évoluer du début à la fin nous attache à son histoire, et comme eux, quand ça va moins bien, on regrette leurs souvenirs passés.

Le temps est l’antagoniste principal : c’est lui qui détruit la magie, l’amour, même celui qu’on pense invincible. C’est lui qui englouti les souvenirs et les bons moments et qui nous empêche de les récupérer. C’est aussi lui qui sonne la fin, plus puissant que tout le reste. Les voir eux aussi se faire engloutir par la machine du temps est un crève coeur, surtout quand le récit est à ce point immersif, léger et pétillant tout au long de l’histoire.


La puissance qui s’en dégage est due évidemment à la qualité technique de la mise en scène, mais aussi à la qualité de son histoire. Pour un premier film c’est purement bluffant. La belle époque confirmera d’ailleurs cette qualité dans la direction artistique d’un projet, mais servira aussi au réalisateur pour approfondir les thématiques de la nostalgie, du temps qui passe et de l’inéluctable, qui semble lui être chères. Monsieur & Madame Adelman, de par sa richesse et sa créativité sans barrière, ressemble presque plus à un film somme qu’à un premier film.

La Note
9/10

Note : 9 sur 10.
Baptiste Coelho
Baptiste Coelho
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