Stromboli, le renouveau du cinéma de Roberto Rossellini

Dans les années 50 en Italie, en pleine aire du néo-réalisme italien dont Roberto Rossellini fût un emblème majeur, apparaît sur les écrans de cinéma Stromboli (1950), un film très particulier face à ce que le mouvement en court avait à offrir, et qui dès 1950 laisse entrevoir la direction que prendrai ensuite le cinéma italien.

Si Stromboli s’ouvre sur une rencontre amoureuse, le film nous pousse plutôt à observer des oppositions dans des cultures et des mode de vie différents qui se rencontrent. Lorsque l’on voit une jeune femme américaine moderne qui en quittant son pays natale montre un souhait d’émancipation mais qui finit par subir soudainement une vie traditionnelle dans un village italien appauvris et encore rongé par la seconde guerre mondiale, la dissonance saute alors aux yeux. C’est un climat assez conflictuelle et oppressant qui s’installe de plus en plus autour de cette femme, qui se voit déçue par une vie qu’elle n’attendait pas en se rendant ici par amour.

Cependant l’un des grands intérêts de Stromboli est que ce qu’il offre à voir narrativement, il le fait également formellement en se questionnant sur notre façon de regarder des images et la façon pour un cinéaste de les capturer. C’est la toute la modernité qui se diffuse dans Stromboli, cette impression conflictuelle et dissonante ne se montre pas de façon explicite par des scènes d’affrontements. C’est par la place qu’occupe l’outil du documentaire que se déploie toute cette sensation, car le film se permet gratuitement sans influence sur la narration, de documenter autant le quotidien des habitants de Stromboli par des scènes hors du temps ou l’on est juste spectateur d’un massacre de thon par les pécheurs de Stromboli. Seulement le film documente également le quotidien du personnage de Karin qu’interprète Ingrid Bergman, et c’est le dispositif qu’il met en place afin de faire sentir toute l’oppression qui la pèse car la situation n’est pas montrée par des scènes conflictuelles mais plutôt par des séquences d’errance solitaire de Karin, qui témoignent de cette déception et cette volonté de fuir. Ces séquences alors en opposition avec celles sur le quotidiens des villageois, nous permet de comprendre que cette rencontre de deux mondes est dysfonctionnelle en montrant ces modes de vie dans leur nature plus que dans une opposition explicite.

Ce qui rend également ce film extrêmement particulier et constitue aussi une dissonance formelle aussi singulière que sublime c’est que partant de dispositifs hérités du néo-réalisme il se permet pourtant de convoquer un certain mysticisme dans la façon de capturer des éléments naturels que montre le film. L’exemple le plus parlant de cette impression est évidemment comment le volcan est perçu. Cette montagne qui paraît sans fin et cette brume omniprésente en font un élément monumental face au village, écrasé autant par son immensité physique que par la potentialité qu’il entre en éruption. Cette potentialité et ce non dit qui ne se transmet que par les images sur le volcan permet d’intensifier une angoisse croissante tout le long du film qui trouve son aboutissement dans la séquence finale. En effet lorsque l’éruption finit par arriver Rossellini nous fait quitter le village pour uniquement confronter à l’image le volcan face à Karin, séquence aussi fataliste que libératrice pour son personnage qui trouve dans la mort l’émancipation qu’elle n’a su trouver.

Tout en conservant des codes néo-réaliste, Rossellini a su avec Stromboli émanciper son cinéma en apportant une modernité à ses films suivants comme Voyage en Italie (1954). Cette modernité se retrouvera par la suite dans la majorité des productions italiennes des années 50 avec l’arrivée de plus jeunes cinéastes comme Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini. En effet si les deux cinéastes ont commencé lors du néo-réalisme dans les années 50 en suivant cette modernité naissante au sein du mouvement, ils ont ensuite permis au cinéma italien de s’en émanciper dans les années 60, période ou la production italienne n’a jamais été aussi formellement riche et variée.

Kelsang Rastoldo
Kelsang Rastoldo
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