Synopsis : Un instructeur maussade d’une école préparatoire de la Nouvelle-Angleterre reste sur le campus pendant les vacances de Noël pour garder une poignée d’étudiants qui n’ont nulle part où aller.
Nous possédons d’ores et déjà dans le paysage cinématographique, une panoplie de récits qui compte, critique, vante ou encore parodie, la période la plus vendeuse de l’année. On a, pour n’en citer que quelques-uns, La vie est belle de Frank Capra, The Holiday, Le Père Noël est une ordure, Maman j’ai raté l’avion, l’Étrange Noël de Monsieur jack ou encore Gremlins. De quoi satisfaire même les plus sceptiques, peu importe notre attrait à cette fête, au moins un film arboré de cette ambiance dite féerique, a et aura toujours cette place particulière au fond de notre cœur. Mais alors que le sujet commençait à s’essouffler devant la caméra et que les récentes propositions se révélaient peu convaincantes, Alexander Payne vient nous présenter son tout fraîchement sorti Winter Break, film de Noël pour les gens seuls.
Être seul à Noël, c’est impensable, nous murmure le film. Au-delà d’être une fête chrétienne basée sur les cadeaux, la dinde et le vin chaud (la surconsommation), sans oublier les repas de famille houleux qui nous rappellent que oui, la famille du côté de papa est toujours raciste et sexiste, c’est accessoirement une fête qui remémore aux gens seuls qu’ils sont seuls. Car Noël est cette fête que l’on se doit de partager, la Saint-Valentin l’est à son égard, mais Noël, c’est un cran au-dessus. Être seul pour les fêtes de fin d’année (dans un pays qui célèbre) c’est atteindre le stade ultime de réclusion au monde.
Nos protagonistes ont tous les trois été délaissés de la vie, mis sur le bas-côté de la fraternité et de la sociabilité. Leur profonde solitude est frappante, mais elle n’a jamais été aussi bruyante qu’à l’annonce de leur confinement dans l’établissement pour les vacances d’hiver. Mary est cuisinière pour la cantine scolaire, son fils a tout récemment perdu la vie et elle choisit comme principale compagnie pour ces congés les émissions télé et l’alcool. Paul, lui, est professeur d’histoire, personne ne porte ce personnage dans son cœur, ni même lui. Il se délaisse complètement et se complaît dans le mépris d’autrui. Et c’est lui-même qui est désigné, tel un mauvais karma pour sa mauvaise posture, comme chaperon de la poignée d’élèves coincée dans ce lycée de gosses de riches. Parmi ces élèves, Angus, à l’origine non prédestiné à passer noël seul, sa mère et son beau-père lui ont préféré des vacances en amoureux. Ainsi, il est coincé avec quatre autres écoliers, qui ne feront pas long feu dans ce décor immaculé et froid qu’est le lycée.
Cet Hiver 1970 chamboulera à jamais leurs âmes en peine. La solitude qui les emplis sera toujours quelque part, leur réticence à participer au monde le sera aussi, mais lors de cet hiver 1970, ensemble, ils ont laissé parler leurs blessures. Ils ont partagé un lycée, des repas, une nouvelle année, mais surtout de grandes amitiés. Car oui, Winter Break c’est un film d’amitié, si l’amour a ses limites d’âge, l’amitié n’en a pas. L’amitié, c’est cette force tranquille où Mary, Paul et Angus se sont réfugiés, alors que rien ne les rassemblait.
Un film, ça raconte plusieurs choses. Ça peut raconter la vie entière d’un personnage, habilement armée de cartons années pour marquer le temps et le vieillissement. Un film peut aussi raconter la banalité d’un moment, d’un geste répétitif, d’une relation ou même de la vie. Mais les films vont souvent taper dans ce qui va être décisif, dans le point culminant d’une vie. Les deux heures qui défilent juste sous nos yeux vont généralement être concluantes pour la trajectoire de nos protagonistes. Winter Break opte pour la troisième option en ouvrant l’introspection de nos personnages sur leur moi profond. Une introspection suivie d’une déconstruction et d’une reconstruction par l’amour et l’espoir, autour d’une glace cerise alcoolisée en feu. Le film d’Alexander Payne a la force d’aller cogner à l’essentiel, dans les petites (et grosses) fêlures de la vie, avec une légèreté parfaitement dosée et un humour noir fortement apprécié.
Ce film déconstruit le mythe de la réussite. Que faire lors de la rencontre avec l’objet du passé. Celui qui viendrait confirmer que tout ce que vous ambitionniez enfant n’est pas arrivé, et que vous êtes, au lieu de ça, devenu la version ratée. Mais, qui décide de ce qu’est la vraie réussite ? Et si finalement, c’était celle-là, la vraie réussite. Se réconcilier avec ses ambitions, accepter la réalité de la vie, de l’échec, et aller puiser dans l’océan de ses peurs. Mary, Paul et Angus sont trois gros ratés au sens propre du terme, et alors, ils le sont ensemble.
Un grain a arboré ce film à l’ambiance seventies, un grain qui a apporté au cadre une atmosphère réconfortante, mélangé à l’effluve des cigarettes et du froid pesant, qui viennent tous nous chuchoter, ce n’est pas grave d’être seul à noël, mais l’es-tu vraiment ? Peu importe, bats-toi et vis, car le réel bonheur, il se trouve.
Winter Break ose les grands thèmes, habituellement non associés à noël ; le décès, l’alcoolisme, la maladie, la dépression, le racisme, le privilège, mais surtout la résilience. Une résilience lente, mais une résilience tout de même. Le scénario de David Hemingson nous ouvre la porte vers de jolies choses, invisibles à l’œil nu des personnes qui ne veulent les voir. Nos trois compagnons d’écran (largement récompensés pour leurs performances) sont enfin prêts à reprendre la vie, et Winter Break nous laisse ici, entre rires et larmes, le cœur optimiste et gonflé à l’ivresse de la vie.
La note
7,5/10