Un père et sa fille adolescente assistent à un concert pop, où ils réalisent qu’ils sont au centre d’un événement sombre et sinistre.
Si les films à High-concept ont tendance à s’épuiser rapidement, ne trouvant en général leur intérêt que dans les 20 premières minutes pour s’étendre difficilement jusqu’à la fin sur du remplissage, il arrive néanmoins que certains, parce qu’ils sont dirigés par un metteur en scène lucide sur son sujet et sur ce qui peut en faire sa force, s’illustrent par leur efficacité, trouvant dans leurs limites évidentes une profondeur ludique et/ou émotionnelle, faisant alors office d’ovnis dans le paysage cinématographique.
M. Night Shyamalan, réalisateur reconnu pour ces talents de mise en scène, jouissant de la réputation (à moins qu’il ne la subisse ?) de réalisateur à twist, a toujours suscité un certain intérêt parmi les cinéphiles, en particulier pour le clivage qu’il génère à chacune de ses nouvelles sorties. Génie pour les uns, réalisateur largement surestimé pour les autres. C’est donc naturellement que Trap, son tout nouveau film, a été attendu de pied ferme. Alors, qu’en est-il ?
Nous pouvons déjà relever une nouveauté d’écriture pour Shyamalan : Trap est son premier film à nous être raconté du point de vue de l’antagoniste, Cooper (interprété par Josh Hartnett), père de famille accompagnant sa fille Riley (Ariel Donoghue) âgée de 12 ans à un concert de son idole Lady Raven (Saleka Shyamalan), mais qui se trouve également être “Le Boucher”, un tueur en série connu pour découper ses victimes. Tout l’enjeu est donc de savoir s’il parviendra à s’échapper de ce concert qui n’est nul autre qu’un piège mis en place par le FBI pour le coincer, et comment il va s’y prendre.
La faculté de M. Night Shyamalan pour poser une ambiance rapidement est flagrante. Dès le début, il saisit l’atmosphère d’excitation dans l’attente du concert, avec ces fans qui scrutent l’arrivée de leur idole et qui courent pour obtenir les meilleures places dès que la salle ouvre. Cette ambiance survoltée permet un contraste immédiat et saisissant avec, en fond, l’organisation méticuleuse des agents du SWAT qui se répartissent dans tous les angles, devant toutes les portes dans l’indifférence totale des fans, mais pas celle du tueur qui scrute la moindre échappatoire potentielle.
Dans cet escape game morbide, Trap trouve toute sa force ludique en faisant envisager à Cooper toutes les issues possibles, de la plus évidente à la plus tirée par les cheveux, en même temps que le FBI déploie ses pions pour anticiper la moindre de ses décisions. La tension palpable qui flotte dans les moindres recoins du bâtiment vient souvent être allégée par des moments d’humour grinçants, comme lorsque Cooper vient prendre des informations sur l’avancée de l’opération au près d’un membre du personnel, ou récupère tout bêtement le mot de passe pour échapper aux contrôles de police. Car si les scènes sont drôles, c’est parce qu’elles mettent en évidence l’une des principales qualités de Trap : son tueur qui n’est ni plus ni moins que monsieur tout le monde. Sympathique, à l’allure bienveillante, comment ne pas répondre à cet homme avenant lorsqu’il demande à voir les backstage ? Le tour est joué, du moins, en apparence.
Car ici Shyamalan déjoue les attentes, notamment en faisant de la star Lady Raven un véritable personnage clé de son récit capable de retourner la situation et de prendre le boucher au piège, et en situant le dernier acte dans la maison de famille du boucher lui-même. Mettant avec encore plus d’insistance l’accent sur le caractère à priori banale du tueur en série, le rendant fatalement toujours plus effrayant. C’est également l’occasion de retourner contre lui le regard du spectateur. Car si on pouvait jubiler de savoir comment il allait bien pour échapper au piège, la question serait maintenant de savoir comment va-t-on l’arrêter ? Et qui le fera ? Si cette dernière partie a tendance à trop céder aux twists pour avancer, elle a au moins la qualité de tenir en haleine en gardant sous le coude des personnages à l’impact sous-estimé.
La Note
8/10