Après un First Man qui s’est avéré être plutôt décevant au box office, Damien Chazelle est revenu récemment dans nos salles obscures en associant ces deux grandes passions, le cinéma et la musique, avec un projet don l’ambition crève indubitablement l’écran à chacun de ces plans.
Disons le tout de suite : Babylon est long. Damien Chazelle a (beaucoup) de choses à dire, en traitant ni plus ni moins le passage du cinéma muet à celui du son, puis du noir et blanc à la couleur. Programme prometteur certes, mais qui risque néanmoins de laisser le spectateur sur le carreau, tant la richesse du récit semble lester la narration.
Si il y a un côté certes jubilatoire à voir toutes une équipe obligée de recommencer encore et encore une simple prise parce qu’ils ne savent pas encore faire avec la nouvelle dimension sonore du cinéma, le film, étalé sur 3h05, n’échappe malheureusement pas à la perte de rythme, en particulier dans la dernière heure.
Mais à côté de ça, il faut le reconnaître, il est bien difficile de ne pas ressentir de pulsions cathartique devant cette fête d’introduction à la démesure et la générosité sensationnelle. Chazelles s’amuse à filmer les corps qui suintent, qui dansent, qui reniflent des substances qu’on ne nommera pas, jusqu’à l’entrée fracassante d’un éléphant en plein milieu de la salle, promesse faite par le film 20 minutes avant, que l’on jubile de voir tenu.
Et dans ce chaos étincelant, de subtiles notes de poésie viennent relever le spectacle. Comme la chanson de Li jun Li, qui, en venant rompre le vacarme, suspend dans l’atmosphère un pur moment de sensualité.
Le reste du film, lui, va fatalement constituer une lente déchéance des personnages principaux face à une révolution cinématographique don ils n’arrivent pas à suivre le rythme. Finalement, ce que beaucoup se plaisent à qualifier de “lettre d’amour au cinéma” de la part de Damien Chazelle ne manque pas de saisir la noirceur dans ce nouvel Eldorado qui se construit à Hollywood, annonciateur du crépuscule des vieilles idoles qui partiront inéluctablement avec leur époque.
Et c’est peut être là l’erreur qu’il est facile de commettre en parlant de ce film. Babylon n’est pas une lettre d’amour au cinéma. Ou du moins pas plus que pourrait l’être Whiplash ou Lalaland. Ce dernier dans le quel, comme ici à nouveau, Damien Chazelle semblait essayer de digérer le plus de références possible (globalement tout le cinéma de Jacques Demy et ces amours impossibles). Cette volonté d’assimilation de toute l’histoire du 7e art irradie de l’écran dans cette séquence finale ou le personnage principal (joué par Diego Calva), regarde un film au cinéma. Et après, à l’écran, que voyons nous ? Multitude d’extrait, du noir et blanc à la couleur, de chantons sous la pluie à Avatar. Remarquons même le panneau “Fin de Cinéma” de Jean Luc Godard. Et au milieu de tout ça, pensant peut être passer inaperçu, n’est-ce pas des extraits de Babylon même que Damien Chazelle nous renvoie en pleine figure ? Le serpent fini donc par se mordre la queue. La boucle semble bouclée. Fin d’hommage.
Voilà ce qu’est réellement Babylon : une épitaphe avec la quelle Damien Chazelle conclut son propre cinéma. Et, au vu du triste score au box office américain, la démarche semble se présenter de façon (beaucoup trop) concrète.
La Note
7/10