Terrifier 2 : le retour fracassant de Guignol

Début octobre de l’année dernière arrivait en Amérique la deuxième représentation d’Art le clown : Terrifier 2. Un film réalisé par Damien Leone à la suite du précédent opus « Terrifier », un non sans défauts sympathique carnage porté par un antagoniste unique et sans aucune retenue. Pour un très modeste budget de 250 000 dollars (soit 215 000 de plus que le premier volet), le cinéaste arrive cette fois à distribuer son film pour probablement quelques piécettes par le site d’horreur Bloody Disgusting, et alors là : c’est le coup de poker. Sans presque aucune promotion autour du film faute de budget, il cumulera presque 11 millions de recettes sur son exploitation américaine et bien que l’on connaisse de plus gros succès pour des films de genre (Saw ou The Blair Witch Project par exemple) le résultat reste impressionnant. Forcément, un film « bis » réussissant à faire ce nombre d’entrées attise la curiosité, surtout en entendant les possibles nombreux vomissements et évanouissements dans les salles. Et bien que ce genre de rumeurs soient toujours à prendre avec des pincettes, Terrifier 2 ne vole pas sa réputation bien au contraire : sans aucune retenue, décomplexé et gore à souhait, Damien Leone livre avec le retour de son guignol un fracassant spectacle qui éclabousse et fait rire jaune. Mais les gratifiants massacres sont loin d’être à mes yeux son seul atout…

« Ha ! Ha ! Said the clown »

En effet, envieux de livrer le film de ses rêves, Damien Leone mets les bouchées doubles avec un film de 2h20 (une durée improbable au vu de son budget) qui embarque le spectateur dans une attraction toujours plaisante avec le grand atout de vouloir toujours bien faire et d’être d’une sincérité touchante. Le réalisateur assume alors chacune de ses idées créatives, jusqu’au boutiste et ne craignant pas le ridicule ou le ringard. Entendons-nous bien le film reste amateur, mais dans le bon sens du terme. Autrement dit, même avec ses moyens, Leone s’appuie sur de solides références et s’amuse avec son antagoniste en proposant des mises à morts d’une ingéniosité malicieuse certes, mais aussi des scènes permettant de créer un véritable univers à Art le Clown et ses différents protagonistes. On sent l’envie de l’auteur de faire de son film une véritable saga, en empruntant certaines idées de mises en place chez Carpenter avec son Halloween ou encore certaines idées chez Craven et son Freddy (le retour du clown dans la scène d’introduction du film dans le brouillard tout comme la scène culte de Freddy, une scène de cauchemar dans laquelle la final girl du film est enfermée comme celle du tueur à griffes, une petite fille déguisée à l’effigie de Art qui l’accompagne tout au long du récit…). Impossible de ne pas voir non plus dans le look et le caractère de son héroïne des références à Laurie Strode, Ripley ou encore de Musclor des Maitres de l’Univers (si si je vous assure).

Une entrée fracassante

En parlant de la final girl du film, campée par Lauren LaVera, elle vole presque la vedette à son clown fétiche. Bien que ce ne soit pas un temps soit peu subtil (ou du moins aussi subtil qu’un 44 tonnes), elle est une allégorie de la lutte entre le bien et le mal, l’ange et le démon (littéralement, puisque Sienna porte des ailes d’ange en guise de costume) avec un parcours bien que classique attachant. Quant à son clown machiavélique représentant le mal, bien évidemment qu’il reste la réelle star du film (bien qu’accompagnée d’une terrifiante fillette) encore même plus en roue libre que le précédent. Ce mime au grand sourire permet à Leone de justifier tout ce qui pourrait sembler cartoonesque ou hors norme dans le film, affirmant comme un Freddy ou Pennywise son côté d’entité surnaturelle. Il incarne alors les Enfers, le péché et le dégoût, luttant contre Sienna, l’allégorie du bien créée par son propre père (difficile de ne pas y voir une mise en abyme avec Leone qui crée ses personnages et leur dualité d’ailleurs). Art est cruel, sans aucune morale, et plongé constamment dans le vice, livrant alors des meurtres tous plus inventifs et vicieux les uns que les autres, torturant longuement ses victimes avant de les achever (les laissant parfois dans un état de vie assez douteux physiquement parlant), ce qui change complètement d’une brutalité assez vive que l’on a pu retrouver dans les gros slashers récents (Halloween Ends ou Scream V par exemple).

Lauren LaVera : clown warrior

En fait, c’est peut-être ça la véritable force de Terrifier 2, sa grande honnêteté. Leone sait qu’il ne dispose pas de moyens colossaux, l’accusant au démarrage avant de l’assumer totalement. C’est un véritable bric-à-brac qui bien que fauché, bien qu’un peu long, bien qu’éclairé avec deux ampoules et une ficelle, fait preuve d’une grande générosité. Ce genre de films généreux et méchants qu’on avait perdus de vue commencent peu à peu à revenir sur nos écrans (Le tarabiscoté Malignant ou le récemment très débilement ludique M3GAN entre autres) et le succès de Terrifier 2 n’en est qu’annonciateur (pour mon plus grand plaisir personnel). C’est ce pourquoi j’ai, malgré tous ces défauts, envie de le défendre. On finit par les oublier devant tant de friandises, et même plus ils en deviennent même attachants, la passion de son réalisateur crevant les yeux derrière l’écran. La suite est d’hors et déjà enclenchée, et j’ai bon espoir qu’avec moins de retenue et plus de moyens, Leone réussisse à prolonger son rêve et sa saga si délectable dans le paysage horrifique américain actuel. En plus de sa surprise au box-office, Art le Clown est en bonne voie de devenir presque aussi incontournable que ses inspirations, et c’est sans doute la plus belle des victoires.

Vous pouvez actuellement retrouver le premier volet de Terrifier et bientôt le second sur la plateforme de SVOD Shadowz (https://www.shadowz.fr), qui ont permis de distribuer le film dans les salles en France en collaboration avec ESC Films.

Tristan Misiewicz
Tristan Misiewicz
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