Civil War, un produit résolument insipide et « apolitique »

Synopsis : Une équipe de journalistes parcourt les États-Unis en proie à une guerre civile sans précédent. Ces derniers ne sont alors qu’armés de leur matériel. L’armée américaine, de son côté, est chargée de tirer à vue sur les reporters.


On le sait, en temps de guerre, les images peuvent être les pierres angulaires de la propagande comme de la résistance. La réalité capturée et remaniée par un objectif devient, pour le public, la fenêtre sur le présent qui vacille. Un sujet terriblement d’actualité, tant cette dernière semble se polariser entre les conflits israélo-palestiniens/Russie-Ukraine, que l’on imagine facilement pouvoir faire office de terreau fertile pour n’importe quel bon réalisateur qui se respecte. Interroger le pouvoir de l’image et le rôle du journalisme quand la paix se fait chasser à la bombe constitue un exercice aussi périlleux que, disons le, nécessaire. Mais si c’est ce film que vous voulez, passez votre chemin. Civil War n’en a que l’apparence, soignée, gratifié par un Alex Garland en grand roi de l’allure et du superflu.

© Metropolitan Filmexport

Le plus gros budget de A24 a donc tout ce qui tient du blockbuster aseptisé et parfaitement inoffensif. La guerre civile ? N’ayez crainte. Derrière la caméra d’Alex Garland, vous ne verrez rien d’autre qu’un défilé de fond d’écran potentiel. Comme si les décors, en débris, avaient été disposés ici et là par des combattants esthètes qui se soucieraient quand même un peu du rendu à l’écran. La violence des affrontements apparaît donc comme une manifestation sonore, bien souvent hors du champ, et constamment rendue muette par une succession de musique pop radiophonique. À tel point qu’il ne serait pas spécialement surprenant de voir débarquer le trio de Muse faire la promo de Will of the People. Parce que, finalement, Civil War n’est ni plus ni moins qu’un gigantesque clip. Et ça aurait sûrement une fière allure sur MTV. Comprenez bien qu’au cinéma, l’effet peut être quelque peu embarrassant.

Nous suivons donc Lee ( Kristen Dunst), Joel (Wagner Moura), Sammy (Stephen McKinley) tous journalistes, ainsi qu’une jeune femme dépourvue de nom (interprétée par Cailee Spaeny) qui voit en Lee une figure de mentor, dans un périlleux périple à travers une Amérique en pleine guerre civile pour mener la dernière interview du président avant sa probable destitution. Un concept intéressant aux premiers abords, mais traité de façon trop superficielle tant chacune des confrontations à la violence/la mort se doit constamment d’être désamorcée (par la fameuse musique pop), comme si Alex Garland estimait que l’intelligence supposée du script le dispensait de travailler sa mise en scène, cette dernière ne se voyant convoquer que pour chercher le plan qui flattera la rétine du spectateur. Une sublimation de la mort que l’on pourrait presque accuser de servir une imagerie romantique de la guerre. Heureusement, les personnages sont là pour dire à longueur de temps que, attention, c’est horrible ce qu’il se passe quand même (avec d’un arpège de guitare en Do majeur en guise de fond sonore).

© Metropolitan Filmexport

Point culminant de l’inconséquence du film : l’écriture balourde pachydermique de Alex Garland qui n’envisage jamais de faire preuve d’un minimum de subtilité. L’exemple le plus flagrant étant ce dialogue entre Lee et la jeune journaliste qu’elle prend sous son aile. La première expliquant que si la jeune journaliste venait à mourir, elle ne manquerait pas de la prendre en photo. Annonce flagrante que c’est bien l’inverse qui arrivera à la fin, surligné par l’utilisation de la photo pour marquer un temps d’arrêt, histoire que le public ait bien le temps de comprendre l’ironie forcée qui se joue devant lui. Ni un film de guerre, ni un film sur le journalisme, Civil War brille d’une ambition qui se limite à prendre le sujet le plus politique qui soit pour en faire un produit résolument insipide et « apolitique ». La blockbusterisation d’A24 en guise d’adieu d’Alex Garland à la réalisation. Bon débarras.

La Note

2/10

Note : 2 sur 10.

Robin Charrier
Robin Charrier
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