Se présenter en 5 films

Peut-on se dire que les films que l’on voit, et que l’on apprécie, disent quelque chose de nous ? C’est en tout cas sur cette idée que je vais m’appuyer pour me présenter. J’aborderai 5 films avec vous, en détaillant ce qui fait que je les aime et ensuite vous saurez tout de moi comme un psychologue après un an de rendez-vous. Commençons !


Jurassic Park : Le rêve de gosse

D’aussi loin que je me souviens j’ai toujours adoré ce film, bon en même temps c’est un film de dinosaures des années 90 donc honnêtement quand tu es un gamin né dans cette décennie tu ne peux qu’avoir été bercé par des Vélociraptors. L’avantage que j’ai c’est qu’au moins je n’ai pas besoin d’avoir honte de ce film, qui reste acclamé par tous comme étant cultissime, alors qu’en général les VHS qu’on adorait… c’était pas toutes du Spielberg, loin de là. Bref Jurassic Park c’est deux heures de plaisir même après l’avoir vu un milliard de fois et le pire c’est que ça n’a pas si mal vieilli. On parle d’un film qui a presque trente ans quand même, comme Les Tortues Ninja 3 de Stuart Gillard (qui prouve que tout ne vieillit pas bien). Après il faut relativiser avec le budget du film qui s’est élevé à soixante-trois millions de dollars, c’est presque le triple de La liste de Schindler (qui dispose de beaucoup moins de dinosaure d’ailleurs), car rappelons que la même année, à savoir 1993, notre bon Steven nous pond deux chefs d’œuvres de dingue, chapeau. Et vu qu’un film bonbon ne peut jamais arriver seul, et vu que je ne veux pas me donner l’image d’un gars qui ne regardais pas des trucs un peu nuls en étant gosse, je me dois d’évoquer un film de cette florissante année quatre-vingt-treize : L’incroyable voyage (le titre québécois est une perle : Retour au bercail : L’Incroyable Randonnée). Le casting du doublage français est parfait et ça sent bon le vieux, il est sur Disney+ pour les plus téméraires.

The big Lebowski : Galerie de personnages

Alors ce film je l’ai découvert au lycée, grâce à un ami qui me donnait des listes de films à voir et qui adorait les frères Coen d’ailleurs. Ensemble nous avions un jeu qui occupait nos cours parfois trop longs : créer des personnages. Nous étions très marqué par l’humour noir d’un Dupontel par exemple. On se voyait déjà écrire et réaliser des cours métrages avec notre galerie d’alcooliques, d’incestueux, de chef scout… Vous allez me dire « quel rapport avec le film mon gars ? » Eh bien je vous répondrais que c’est ce film qui m’a donné l’espoir fou d’en faire un, moi aussi, un jour. Je pense même qu’il m’inspire beaucoup dans mes idées de photographie (on en reparlera plus tard). Mais du coup, vous allez me dire « mais t’abuses, il n’y a aucun lien entre ton anecdote pas folle et ta réponse… » et je vais vous répondre de baissez d’un ton et que j’allais justement faire le lien maintenant. The big Lebowski c’est une galerie de personnages, que vous n’oublierez jamais d’ailleurs, et cette galerie est clairement le sujet principal du film. Je vais me faire huer en disant que les films avec des intrigues super complexes (David Lynch, si tu m’entends…) me gonflent très franchement et je déteste sortir d’une séance de cinéma en me disant que je n’ai rien compris. Donc forcément lorsque j’ai vu ce long métrage, je me suis dis que finalement on pouvait bien faire passer l’intrigue derrière les protagonistes. Je finirai en disant que j’aurais pu mettre un autre film à sa place, mais je n’aurais pas eu l’occasion de placer ma sympathique anecdote, et je voulais nommer le premier film qui m’a fait ressentir ça. La quintessence de ce que j’appelle un film « galerie de personnage » est tout simple Wrong Cops de Quentin Dupieux, que je recommande à tous ceux qui ne l’ont pas vu. Et si vous le voyez, prenez votre second degré avec vous.

Shining – Les notes de l’angoisse

Je vais être clair dès le début, et vous vous moquerez peut-être mais j’assume : ce film m’a angoissé du début à la fin. L’ambiance de ce film tient du génie, c’est d’ailleurs pour moi le point central de l’œuvre de Kubrick. Je me rappelle très clairement avoir regardé le temps qu’il restait en secouant ma souris d’ordinateur car je me sentais mal à l’aise et voir qu’il me restait encore une heure et demie à tenir. Avec le recul ça m’a permis de me demander : ça tient à quoi une ambiance ? C’est vrai dans ce film il y a très peu de moments horrifiques et pourtant chaque note de musique me mettait dans un état de stress important. Il faut reconnaître que la BO y est pour beaucoup, comme pour Orange Mécanique par exemple. Les images sont fortes également, certaines scènes très visuelles jalonnent le film et le tout est également fondu dans une gestion de la photographie globalement pesante par ses grands espaces vides. La direction des acteurs participe fondamentalement au malaise et si j’en crois ce que j’ai pu lire sur le film, ce fut un tournage éprouvant pour les comédiens, plus particulièrement Shelley Duvall qui n’en est pas sortie indemne. Il en résulte un climat général un peu bizarre pour le spectateur. Personnellement je me suis senti un peu perdu tout au long du film et je confesse encore une fois que l’intrigue me passe un peu au-dessus de la tête, mais la mainmise de l’ami Stanley se ressent très clairement donc je me suis laissé porter par le film et par ce qu’il me faisait ressentir. Finalement ça tient peut-être tout simplement à ça, l’ambiance. Et alors, quelle morale en tirer ? Ben je me suis surpris à aimer un film auquel j’ai rien compris et bien que je ne l’ai jamais revu, j’en garde un souvenir bien plus précis que la plupart des films que je vois.

Ida : Ma grande claque visuelle

Imaginez-vous la scène : je me trompe d’horaire pour aller voir un film, que j’ai oublié d’ailleurs, alors je feuillette le programme et me décide à aller voir ce long métrage d’après son synopsis en deux lignes. Je me retrouve donc dans la plus petite salle de tout le cinéma. Il y a une petite quinzaine de spectateurs dont la moyenne d’âge frôle la soixantaine. L’écran s’éclaire. L’image est en noir et blanc, en 4/3 et il s’agit d’une version polonaise sous-titrée français. Autant dire qu’un certain nombre de personnes se seraient arrachées les cheveux à ce moment-là et j’avoue d’ailleurs avoir été surpris au début. Mais j’ai rapidement été saisi par l’aspect photographique du film, où chaque plan pourrait être une photo encadrée. Je vous avais évoqué un peu en amont mon travail de photographe et c’est avec ce film que j’ai vu à quel point ces deux arts peuvent se mêler. Je n’utilise que le noir et blanc dans mes projets, par choix et par évidence sauf qu’à cette époque (2013), mon rapport au cinéma monochrome est bien maigre. Je connais évidemment les classiques mais je ne suis par sûr que j’avais conscience que depuis l’arrivée de la couleur certains continuaient à vouloir créer en noir et blanc. Depuis j’ai évidemment découvert le merveilleux Elephant Man (mais oui David, je t’aime quand même un peu…) et aussi The Lighthouse, qui au final me remettra une claque par son esthétique folle de poésie. On pourrait presque dire que ce film aussi m’a permis de rêver à la réalisation d’un projet un jour. Enfin voilà, Ida c’est une merveille de film dramatique et si vous en doutez dites vous simplement qu’il a gagné l’Oscar de meilleur film en langue étrangère… comme Parasite qui, comble de ce paragraphe, dispose d’une version en noir et blanc.

Mommy : Déstabilisant, troublant, réel…

Finissons sur un film d’un réalisateur que j’apprécie particulièrement, Xavier Dolan. J’avais déjà aimé J’ai tué ma mère, réalisé à seulement dix neuf ans, mais aussi Tom à la ferme son huit-clos à la sauce Hitchcockienne. On ne pouvait plus douter du talent de ce mec, qui en quatre ans avait réalisé quatre films plutôt bien accueillis et dans lesquels il avait joué de nombreux rôles. Réalisation, production, direction artistique, scénario, costume, montage, tout en étant acteur également. C’est tout juste si le gars ne servait pas les cafés entre les prises. Bref, quand j’ai découvert ses films j’étais jaloux de son talent et de l’abattage énorme qu’il pouvait avoir, je me disais qu’il devait avoir beaucoup de choses à exprimer pour réaliser autant en si peu de temps et à cet âge-là. Et puis cette envie de vouloir toucher à tout et que tout ressemble à ce qu’il avait en tête, c’était fascinant pour moi et ça l’est encore. Avec Mommy il accomplit ce que les américains appellent en bon français « a tour de force », à savoir mettre en image l’essence même de la vie dans toute sa puissance, ses injustices et ses moments de grâce. Bordel que c’est parfois dur de voir ce film, on se retrouve plongé dans l’histoire des personnages et la réalisation nous met à chaque fois dans la scène, à hauteur d’humain, comme si on y était. D’ailleurs c’est souvent inconfortable, étouffant même, de se retrouver dans ses conflits violents et on ressent toute la peine que nous pouvons avoir à communiquer. Je pense que j’ai appris avec ce film que l’on pouvait passer un moment difficile devant un écran et pourtant trouver ça beau et je pense que chaque respiration du film nous montre à quel point le cinéma peut être le reflet de la vie. Bref on sort grandi et pourtant on se sent si petit face à cette histoire et aussi face au talent de celui qui l’a raconté.


Il est maintenant temps de conclure après cette longue introspection cinéphilique. Je ne sais pas si pour vous l’exercice aura été plaisant, ni même si vous aurez pu apprendre à me connaître par ce biais, mais de mon côté j’ai découvert des choses sur moi-même en écrivant ces lignes. Je ne m’attendais pas à ce que le cinéma ait marqué des jalons aussi précis et important pour moi tout au long de ma vie. Bien sûr tout ne se résume pas à 5 films mais j’ai quand même la nette sensation que ces œuvres là disent quelque chose de qui je suis aujourd’hui. Je finirai donc en répondant à la première question de cet article, en disant : oui pour moi le cinéma peut être un reflet de nous-même.

Anthony Blandin
Anthony Blandin
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