Dès son générique d’ouverture rempli de naïves fautes d’orthographe, La Petite Bande nous fait niaisement sourire et donne déjà le ton de ce que sera le film de Pierre « Salade de ri » : une comédie innocente et rafraichissante. Et pourtant, ce serait réducteur de dire que le film s’adresse uniquement aux enfants car sous couvert de comédie, le film de Pierre Salvadori cache quelques grilles de lectures intéressantes et se révèle être un excellent « coming of age movie ».
C’est en effet avec un ton dès le départ décomplexé que l’auteur nous présente sa bande, réunie autour d’un secret et d’un grand projet : faire péter l’usine de la ville qui pollue la rivière (parce que oui être écologique c’est bien, mais passer à l’action c’est encore mieux). Bien évidemment le synopsis en lui-même prête déjà au sourire, possédant déjà ce côté « imaginaire » et « surréaliste » sorti tout droit de la tête d’un enfant dans la cour de récréation. Comment s’imaginer une seconde qu’une bande d’enfants pourraient réussir à faire exploser l’usine de cette bourgade ? Pourtant, là où le piège aurait pu être pour le réalisateur de se restreindre dans ses mouvements et dans ses choix, il décide d’assumer pleinement le côté imaginaire et presque fantastique de son récit en livrant une fable écologique jusqu’au boutiste pleine de bonne humeur, de sincérité et avec une pointe d’irrévérence.
Le côté enfantin du récit permet également au réalisateur d’embrasser un ton comique innocent et parfois (in)volontairement vilain, sans limites et sans craindre le ridicule puisque le spectateur ayant déjà accepté que l’histoire se place au niveau des enfants (et donc de l’insouciance la plus totale) les situations qui peuvent paraitre surréalistes aux yeux d’un adulte fonctionne à merveille. Le film n’étant pas non plus exempt de défauts, cet esprit naïf permet de pardonner au spectateur certaines facilités scénaristiques qui d’ordinaire nous auraient semblées grotesques mais qui ici, dans le ton du film, passent inaperçues à nos yeux.
Evidemment le comique ainsi que beaucoup de gags (notamment burlesques) fonctionnent, mais La Petite Bande ne se résume pas à être une simple comédie familiale. En effet, certaines scènes marquent une rupture de ton dans le récit sur des sujets qui d’habitude auraient été aseptisés ou évités dans ce genre de film. C’est ainsi que lors d’une scène où la bande est réunie autour d’un feu de camp (lieu idéal au cinéma pour les personnages qui souhaitent se confesser et raconter des secrets depuis longtemps) Pierre Salvadori raccroche le ton imaginaire à une réalité brute en faisant se confesser ces enfants , victimes de violences domestiques, des répercussions des violences conjugales et crimes de leurs parents, d’harcèlement et ne proie à la solitude, à la peur de l’abandon. Des thématiques lourdes mais traitées avec une frontalité déconcertante apportant donc un mélange de légèreté et de mélancolie qui n’est pas sans rappeler beaucoup de “Teen movies” des années 80, de Stand By Me en passant par The Breakfast Club ou La Folle Journée de Ferris Bueller. Salvadori cherche à faire renaitre cet esprit d’enfants débrouillard, prêts à tout pour s’amuser et partir à l’aventure (en se servant par exemple de l’excuse du “secret” à garder pour le projet afin de couper les téléphones des adolescents), les écartant le plus possible de la modernité pour toucher à quelque chose de plus terre-à-terre. A l’image de ces films, celui-ci se rattache aussi beaucoup à la pop culture avec une référence touchante sur Star Wars et son pouvoir de la “force” qui fera grandir notre protagoniste ainsi qu’une référence au manga Mob Psycho 100 se rattachant lui aussi aux pouvoirs psychiques et à l’imaginaire (le protagoniste du manga désireux de vivre une vie sans problèmes mais se découvrant des pouvoirs).
Certaines situations dénotent aussi complètement avec le ton comique, en premier exemple la tournure du plan du “club des cinq” qui finira en prise d’otage du patron de l’usine. Le réalisateur joue beaucoup de ses situations afin d’y apporter une patte moins « enfantine » par moment comme ce plan où l’on aperçoit l’ombre des masques des enfants sur un mur. Et ce n’est qu’un exemple d’une idée prise qui, hors contexte et d’un autre point de vue, ferait basculer le film dans un tout autre registre (je pense ici par exemple à The Children de Tom Shankland qui sans être un bon film réussit à maintenir cette peur de l’enfant, incarnation d’une innocence qui effraie puisque naïf de toute moralité, dont on ne peut prédire les actions).
Salvadori utilise également beaucoup de subterfuges afin de représenter ces aspects maussades dans son récit et ce notamment avec ces masques fait avec ce qu’on peut trouver sous la main qui servent à cacher les visages, certes, mais aussi les motivations et démons intérieurs des personnages : la peur des premiers amours, la volonté de se venger d’un beau père abuseur, un manque paternel ou encore une envie de ne pas se retrouver abandonner sur le bas-côté. L’auteur ne se perd que rarement (malgré un petit ventre mou au milieu du film) et cherche à aller à l’essentiel : filmer l’enfance aussi innocemment que possible, profitant des magnifiques paysages de sa Corse natale, de ses forêts et cascades où les enfants se griffent, chutent, se lient d’amitié et nouent entre eux un lien gravé dans la pierre.
Comme tout film du genre et malgré tout ce que l’on peut en tirer, une vraie morale persiste, celle de l’importance d’avoir des amis, d’être bien entouré et de chérir cette amitié coûte que coûte. Car au-delà du secret qui les a au préalable unis, l’aventure a désormais liée cette Petite Bande sympathique. On finit le film la larme à l’œil, le sourire au lèvres et le cœur rempli de bons sentiments (dont celui de faire exploser le capitalisme au profit de dame Nature).