Synopsis : Paul Atréides se rallie à Chani et aux Fremens tout en préparant sa revanche contre ceux qui ont détruit sa famille. Alors qu’il doit faire un choix entre l’amour de sa vie et le destin de la galaxie, il devra néanmoins tout faire pour empêcher un terrible futur que lui seul peut prédire.
C’est sur un fœtus semblant flotter dans les étoiles dans une citation évidente de 2001 : l’Odyssée de l’espace que s’ouvre cette deuxième partie de l’adaptation de Dune par Denis Villeneuve. Le premier film avait suscité un engouement remarquable avant même sa sortie, de par la réputation du livre considéré comme inadaptable à cause des difficultés de production qu’il a engendré par le passé (voir le documentaire Jodorowsky’s Dune ou la version de David Lynch, longtemps reniée par ce dernier), il a finalement su convaincre une grande partie de son public. Et pour cause, Dune : Première partie (2021) jouit d’une qualité trop rare dans le monde du blockbuster hollywoodien moderne : celle de poser son rythme pour permettre à ses personnages d’exister dans le cadre et, finalement, à son univers de s’étendre bien au-delà de celui-ci. Cela, couplé à une mise en scène parfaitement en phase avec la démesure du monde d’Arrakis qui parvenait à traduire instantanément une impression de gigantisme à l’écran, l’attente impatiente d’une suite s’est immédiatement fait ressentir.
Voici donc enfin le grand retour tant attendu sur Arrakis. Ce second volet reprend presque exactement là où s’était arrêté le premier, Paul Atreïdes (Thimotée Chalamet) et sa mère Jessica (Rebecca Ferguson) accompagne le groupe de Fremens qu’ils ont rejoint, mené par Stilgar (Javier Barden) et comptant dans ses rangs une certaine chani (Zendaya), qui a déjà fait irruption dans les visions de Paul à plusieurs reprises. Une ouverture en tension puisque leur traversée du désert est vite contrariée par un groupe de soldats Arkonen. Ce jeu de position/discrétion, et finalement d’attaque furtive, rappel dans une certaine mesure l’ouverture de Sicario (2015), et permet d’apprécier une continuité dans la mise en scène de Denis Villeneuve qui n’hésite pas à puiser dans ces précédentes œuvres. Que ce soit pour retranscrire l’atmosphère aride d’Arrakis (qui manquait au premier volet) qui s’inscrit dans la lignée de Enemy (2013) ou pour poursuivre son discours sur la croyance/non-croyance abordé dans Prisoner (2013) ou Premier Contact (2016).
Toute la première heure se consacre aux Fremens, ces hommes reclus dans le désert en attendant la venue d’un prophète, que certains voient en Paul, et à leur culture. La part est faite à la spiritualité et à la façon dont celle-ci va être manipulée par Dame Jessica pour insérer dans l’esprit des Fremens l’idée que Paul est bel et bien le prophète qu’ils attendent, celui qui les mènera au paradis vert. La religion est ici déconstruite pour être reléguée à un outil de manipulation insidieux, la figure messianique étant ni plus ni moins qu’un dessein minutieusement exécuté servant à asservir le peuple. Ainsi, à chaque action, Paul Atreïdes gagne du terrain dans l’opinion collective, jusqu’à obtenir un nom Fremen, Muad’Dib “la sagesse du désert, celui qui montre la voie”.
C’est finalement lors d’un grand discours public que l’ultime bascule a lieu. Le jeune homme frêle devient le guide du peuple contre le reste de la galaxie. Paul, l’étranger venu de Caladan, est élevé au rang de prophète. Cette position du côté des Fremens offre un autre regard sur le désert. Le sable dont il fallait impérativement s’isoler dans le film précédent devient ici un élément stratégique, permettant de s’y dissimuler dans le cadre d’attaque surprise. Cette matière qui restreignait les capacités physiques (difficile de s’y déplacer comme sur la terre ferme, possibilité de s’y enfoncer…) permet maintenant d’accompagner les déplacements vifs des corps à la caméra en y magnifiant les gestes et les mouvements. Qui dit désert dit aussi créatures qui y vivent. Il était question de gigantisme dans le premier film et celui-ci passait inévitablement par les vers, ces créatures imposantes qui constituaient le principal danger du désert, en témoignaient l’une des meilleures scènes du film, où la gueule titanesque de l’un d’eux s’ouvrait telle Charybde pour avaler toute entière une moissonneuse à épices.
Mais ici, ces créatures qui apparaissaient comme une force de la nature indomptable servent à présent de moyen de transport et aussi/surtout d’armes redoutables dont le potentiel dévastateur éclate dans la bataille finale.
Car puisqu’il est question de messi, l’affrontement pour la libération était inévitable. Et lorsque la mise en scène prend de la hauteur, un constat saute aux yeux : les guerriers, peu importe leurs camps, se ressemblent tous, à tel point que la distance empêche une identification claire. Ne reste que des Hommes, courants à une autodestruction stimulée par Paul, dans un geste trahissant la nature profondément fasciste de son personnage. Lui qui, après avoir triomphé de Feyd Rautha (Austin Butler), tué le Baron Arkonen (Stellen Skatsgard) et fait agenouiller l’empereur (Christopher Walken), ordonne le lancement d’une “guerre sainte” (qui vient remplacer le terme “djihad” du livre) fait ainsi de la libération d’un peuple un synonyme de conquête et questionne une dernière fois la nécessité d’une figure prophétique.
La Note
8/10