Albatros : Son trailer gênant l’empêche de voler…

Laurent, un commandant de brigade de la gendarmerie d’Etretat, prévoit de se marier avec Marie, sa compagne, mère de sa fille surnommée Poulette. Il aime son métier malgré une confrontation quotidienne avec la misère sociale. En voulant sauver un agriculteur qui menace de se suicider, il le tue. Sa vie va alors basculer.


Je ne sais pas comment vous consommez du cinéma mais personnellement j’ai toujours eu une dent contre les trailers et autres teasers disponibles un peu partout et vrais arguments de communication. À l’heure où le “spoil” est un acte presque punissable de violence physique, ces courtes bande-annonces se permettent tout sans aucun souci et sans jamais soulever la vindicte de nous autres amateurs de grand écran.

Bref abordons ensemble le film Albatros de Xavier Beauvois qui pour moi cristallise tout ce problème de promotion du cinéma. Soyons clairs, sans ce trailer et le synopsis qui va avec, l’Albatros de Xavier se serait sûrement perdu dans l’océan du cinéma actuel où chaque vague du mercredi apporte son lot de nouveautés aux boulimiques d’images animées. Imaginez comme il doit être difficile de faire vivre ce drame social à la française face à un mastodonte comme Les Eternels de Chloé Zhao. Alors bien sûr vous allez me dire que ça ne s’adresse pas au même public, la preuve j’ai vu le premier sans voir le deuxième, mais on ne peut pas nier que pour se faire voir certains films en font trop. Ils se travestissent pour plaire et finissent par perdre de leur saveur et surtout de leur surprise comme s’ils avaient honte de ce qu’ils sont.

De mon côté, j’ai toujours eu l’habitude de faire confiance aux affiches, qui me passionnent d’ailleurs, car bien qu’elles puissent nous tromper, elles n’en disent jamais trop. Elles jouent parfois les élitistes en affichant fièrement leur participation aux différents festivals et c’est de bonne guerre. Elles doivent aussi résumer un univers tout en créant du mystère grâce à ce qui fait que le cinéma est si beau et puissant : l’image. Dans le cas de notre film, l’affiche est sobre, sans effet incroyable ou autres retouches surprenantes, en somme elle est sincère, comme le film lui-même. Elle met tout de même en avant la participation aux Berlinales 2021, mais choisit comme argument principal la participation de Jérémie Renier comme protagoniste, nous reviendrons d’ailleurs sur le casting un peu plus tard. Pour finir, le décor littoral normand, très présent dans ce film, se présente en arrière-plan dans toute sa majesté et sa force. Dans le fond tout ce que je pouvais rechercher de convaincant se trouvait sur ce support de communication qui reste la carte d’identité d’un long métrage. Ni plus ni moins qu’un univers graphique, une ambiance et quelques atouts de casting ou de reconnaissance. Est-ce que ça ne peut pas suffire pour être poussé à voir un film ?

En voyant ce long métrage je me dis clairement que j’aurais dû me contenter de cette affiche. Même le synopsis est une insulte, rendez vous compte qu’il dévoile TOUT le film, n’espérez aucune surprise après l’avoir lu. Je trouve ça désespérant car les acteurs sont bons, surtout Jérémie Renier, que j’aime un peu plus à chaque film, la réalisation est soignée, la photographie est très belle et rend hommage au paysage local, et pour finir l’histoire est puissante et universelle. Tout est là pour faire un bon film dramatique où les forces qui traversent les personnages nous perturbent tant elles sont réelles et bien installées par une longue introduction dans la vie de Laurent, gendarme à Étretat, mais ça vous le savez déjà puisque vous avez lu le résumé. Je peux même dire qu’il va tuer un homme qu’il connait pour l’empêcher de se suicider, puisque c’est clairement visible dans le trailer. Et vous savez quoi, j’ai même le droit d’ajouter qu’il va craquer psychologiquement et s’enfuir en bateau pour se retrouver. Le pire c’est que je n’ai rien divulgâché en disant tout ça, enfin rien de plus que le résumé ou la bande annonce…

Vous avez là toute la recette pour gâcher un spectacle honnête et poignant qui est bêtement réduit à une minute trente sur youtube. Triste fin pour autant de travail. Alors surtout, un conseil, ne regardez plus vos navigateurs web et levez les yeux vers les affiches en étant prêt à donner une chance aux films qu’elles représentent dignement (bon ok pas tout le temps, j’avoue, mais on en reparlera). Et puis regardez Albatros, parce que c’est vraiment bon, vous ne serez pas surpris, malheureusement, car je vous ai déjà tout dit, mais ce n’est pas de ma faute, je vous jure. Il en reste quand même que ça mérite d’être vu parce que c’est bien exécuté et qu’un bon film peut aussi raconter une histoire vue mille fois sans forcément en devenir inintéressant. D’ailleurs combien de blockbusters sont faits de la même base scénaristique ? Est-ce que ça les rend moins bons d’être prévisibles ? Je ne sais pas réellement mais quand il s’agit d’Albatros on a tout de même l’impression de passer à côté du film tant il repose sur des personnages auxquels les répliques ont été volées pour tenter vainement d’attirer les spectateurs. 


La note :
07/10

Note : 7 sur 10.
Anthony Blandin
Anthony Blandin
Publications: 6