Le Plongeon

Le Plongeon est un drame réalisé par Frank Perry sorti le 18 septembre 1968 avec Burt Lancaster, Janet Landgard et Janice Rule.

Synopsis : Dans un quartier huppé du Connecticut où il a passé ses vacances d’été, Ned Merrill se met en tête de rentrer chez lui à la nage, en empruntant chaque piscine se trouvant sur son chemin. Ce parcours se transforme alors pour lui en un véritable voyage initiatique fait de rencontres et d’expériences.


Pour son troisième long-métrage, Frank Perry choisi d’adapter la nouvelle de John Cheever et de s’intéresser à la bourgeoisie américaine, ses travers et ses excès. On y suit un homme en maillot de bain qui a décidé de traverser les piscines qui se présentent sur son chemin le menant à sa maison où l’attendent femme et enfants. Un tournage qui aura eu quelques rebondissements puisque suite à quelques divergences artistiques, Frank Perry fut remplacé par Sydney Pollack pour terminer le travail en ayant recours à quelques reshoots.

Dans ce film, on comprend tout de suite que cet homme qui séduit autant les femmes (par son charme et son charisme) que les hommes (par sa prestance et sa sympathie) ne s’est plus présenté dans ce quartier depuis un certain temps. Mais alors qu’il est accueilli les bras ouverts au début de son périple, ses hôtes lui offrent un accueil de plus en plus hostile et glacial à mesure que le film avance et à mesure qu’il se rapproche de sa demeure. Là où l’intrigue pouvait paraître assez simpliste et superficielle à son commencement, elle s’étoffe, prend de l’épaisseur et de la gravité alors que l’on se rapproche du dénouement. On comprend assez rapidement que Ned (formidable Burt Lancaster) dont on considère qu’il a tout réussi dans sa vie, que ce soit au niveau personnel, familial et professionnel est bien plus complexe, tourmenté, que ce l’on pouvait croire et que, comme les autres membres de la classe bourgeoise, l’apparence de l’homme que l’on nous a présenté au début est trompeuse. Le caractère superficiel que l’on peut ressentir à propos du scénario se confronte au caractère superficiel de cette bourgeoisie américaine des années 50-60 qui ne vit que pour asseoir sa domination, sa supériorité, son unicité vis-à-vis des autres personnes appartenant à cette classe de la société et surtout vis-à-vis de ses voisins, les personnes les plus proches à impressionner.

Tout au long du film, Frank Perry n’aura de cesse de nous montrer ce côté tape à l’œil des personnes riches de l’époque – un constat qui pourrait bien évidemment s’appliquer à la nôtre aujourd’hui – en lien avec la piscine (filtre, serre, matériaux…), qui était dans les années 50-60 un réel signe d’appartenance sociale. Au sens plus large, le film montre l’envers du décor d’un certain idéal de vie américain centré sur l’individualisme et le matérialisme et notamment une Amérique engluée dans sa quête basée sur l’apparence et les stéréotypes.

Une des forces de ce film, c’est que l’on découvre en même temps que Ned les choses qui lui arrivent. On se pose des questions comme le personnage principal. Pourquoi est-il traité de la sorte par ces hôtes d’un jour ? Pourquoi ce choix de vouloir traverser les piscines de ses voisins ? Jusqu’à un moment de bascule, ou plutôt quelques indices laissés par le réalisateur, qui nous font prendre conscience que quelque chose ne va pas chez Ned et nous amène à avoir quelques longueurs d’avance sur le personnage quant à l’issue que pourra avoir son périple.

Critique de la bourgeoisie américaine, de sa superficialité et du fameux « American way of life », Le Plongeon n’en reste pas moins l’histoire d’un homme en quête de rédemption. À chaque piscine, Ned entre dans une nouvelle sphère privée avec son ou ses habitants, son mode de vie, ses habitudes et son lot de reproches qui lui sont fait. On a comme l’impression qu’il utilise l’eau des piscines pour laver ses péchés, se faire pardonner. Mais il y a aussi un autre aspect, puisqu’à chaque fois traversé, ce bassin d’un bleu azur lui enlève aussi une partie du voile de son apparence, pour nous dévoiler petit à petit sa réelle personnalité et aboutir à un final aussi glaçant que le ciel changeant de l’intrigue basée dans le Connecticut. Ce périple a une résonance psychologique mais également temporelle, puisque plus Ned se rapproche de sa maison, plus il se rapproche du présent et donc de ce qu’est réellement sa situation personnelle et professionnelle au moment où l’intrigue se déroule.

Le corps de Ned représente le modèle même des Etats-Unis. Et ça, Frank Perry l’a très bien compris. Il s’appui sur sa superbe mise en scène afin de nous faire passer son message. Présenté au départ comme un être sculptural, sûr de lui, puissant, Ned se révèle finalement être un colosse aux pieds d’argile. Frissons, blessures, douleurs, fatigue, essoufflement, boitillement, le corps de Burt Lancaster bâti comme un dieu est malmené tout au long de son voyage. Comment ne pas y voir une critique des Etats-Unis empêtré à cette époque dans la terrible Guerre du Vietnam (et la Guerre froide) qui a clairement remis en cause la toute puissance américaine. Les années 60 sont l’heure de la remise en question de la part de la population américaine après des années de pleine croissance, de réussite et de consommation de masse et Le Plongeon le démontre parfaitement. Un véritable symbole d’une société américaine en pleine remise en cause de ses propres fondements.


Le Plongeon est une œuvre filmique qui est tombé dans l’oubli alors qu’elle mérite clairement le coup d’œil. Véritable OFNI dans l’histoire du septième art, ce film aborde différents thèmes. Même si le début du film pourrait vous laisser perplexe, il suffit simplement de vous laisser porter et il est fort probable que ce long-métrage ne risque pas de vous laisser indifférent. Burt Lancaster est magistral et Frank Perry nous délivre un film intemporel, qui bien qu’il s’attaque au modèle américain, contient un propos puissant qui peut s’appliquer aujourd’hui et égratigner nombre de personnes à une époque ou la superficialité de la vie n’a jamais été aussi forte avec l’utilisation des réseaux sociaux.


La Note
8/10

Note : 8 sur 10.
Jérémy Denis
Jérémy Denis
Publications: 15