Notre-Dame brûle, un film sinistré


Notre-Dame brûle est un film français dramatique réalisé par Jean-Jacques Annaud sorti le 16 mars 2022 avec Samuel Labarthe, Jean-Paul Bordes et Jérémie Laheurte.

Synopsis : Une reconstitution heure par heure de l’invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019 lorsque la cathédrale subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hommes vont mettre leurs vies en péril dans un sauvetage rocambolesque et héroïque.


3 ans après la catastrophe ayant touché l’un des monuments iconiques de Paris, Jean-Jacques Annaud s’attaque à une reconstitution entre documentaire et fiction “réaliste” pour nous faire revivre la triste soirée du 15 avril 2019. Si sur le papier l’offre semble alléchante, qu’en est il réellement ?

Une écriture à la peine. Commençons directement dans le vif du sujet en abordant l’écriture de ce film, assurée par Thomas Bidegain et Jean-Jacques Annaud lui-même. Ce même Thomas Bidegain était à l’écriture de Dheepan et De rouille et d’os d’Audiard ou encore Saint Laurent de Bertrand Bonello. On se dit donc forcément que le talent de ce scénariste et la puissance de l’événement vont ensemble donner lieu à un cocktail puissant et marquant… et bien non, tout simplement non. Le plus gros point faible de ce film est bel et bien l’écriture, tout sonne faux de bout en bout, et c’est tout de même dingue qu’un long métrage vendu comme une “reconstitution” peine autant à nous faire vivre ce qu’il doit retranscrire. J’ai rarement eu autant l’impression de voir un téléfilm au cinéma, voire même une série à la sauce AB production parfois, c’est dire. Ce sentiment est renforcé par le jeu des acteurs qui frôle souvent le ridicule (Anne Hidalgo méritant sûrement un oscar) mais aussi par les mouvements de caméra avec l’abus de plans type action-cam sans aucun sens par exemple. Par ailleurs, les instants fiction-émotion et le semblant de trame scénaristique sont bancals et quelque peu tire-larme. L’émotion ne s’installe jamais vraiment, le réalisateur en faisant des éléments tellement anecdotiques qu’on en vient à se demander pourquoi ils sont là.

Réalisation boiteuse. Ce film souffre clairement d’être pris entre deux feux, celui de la fiction et du documentaire. Jean-Jacques Annaud s’était déjà frotté à la narration de faits historiques avec Stalingrad, mais dans ce film-là, il avait choisi de romancer et faire vivre une aventure au spectateur en délaissant un quelconque côté documentaire, sans pour autant ignorer complètement l’Histoire. Stalingrad n’est pas un chef d’œuvre mais il a le mérite d’être clair dans sa démarche, tout le contraire de Notre-Dame brûle qui oscille en permanence avec les genres du documentaire, du film d’action, de la comédie et du drame (voir même un petit côté social). Il en résulte un sentiment mitigé pendant le film, faisant que chaque genre vient étouffer le précédent en lui enlevant toute sa justesse. Au niveau technique, le film se débrouille bien mieux et il est nécessaire pour moi de dire que l’aspect reconstitution des plans de combat du feu sont convaincants et que la partie finale du film est d’ailleurs, par ce fait, la meilleure. Et, comme par hasard, cette dernière partie fait le choix du genre du film d’action pur et dur, et cela ne fonctionne pas si mal car les moyens sont là pour nous immerger et les choix de réalisation sont bons. dommage que cela ne représente qu’un quart d’heure et que tout finisse par basculer dans le pathos ultime de la séquence de fin. Que dire également de ce plan de larme sur la statue de la vierge, d’un kitsch incroyable et d’une longueur le faisant basculer dans une lourdeur ridicule au possible.

Engagez-vous. Terminons sur ce qui est le sujet central du film : l’univers des pompiers. Alors je tempère mon propos, je n’ai aucun problème avec le fait que ce film glorifie le travail des pompiers de Paris, qui mérite clairement d’être mis en lumière, mais est-il nécessaire de donner un goût de spot de pub pro engagement ? Entre les gros plans sur les grades, l’esthétique reportage à hauteur d’Homme et les dialogues affligeants, tout pousse à croire que nous allons avoir un grand “ENGAGEZ-VOUS” au moment du générique. Je me permets d’ailleurs une aparté sur le mépris apporté aux personnages de l’architecte et du conservateur : tous deux sont présentés comme des bobos parisiens un peu stupides (bien que le second soit loué pour son abnégation) et je trouve ça franchement limite et un poil ridicule. Au final, la découverte des techniques et matériels utilisés par les pompiers est plutôt plaisante et participe à une certaine immersion, il faut le reconnaître, mais trente millions d’euros pour faire de la promotion c’est quand même beaucoup. Espérons tout de même que le film aura fait naître des vocations et que les principaux concernés, les pompiers eux-mêmes, auront apprécié cette belle mise en avant de leur engagement pour les autres.

Pour conclure, le film dispose d’atouts indéniables s’ils sont pris séparément mais le mélange des genres permanent empêche un quelconque développement logique des idées. Je pense que le timing est le plus grand ennemi de ce long métrage, en effet c’est en quelque sorte trop tôt pour réaliser un film d’action scénarisé sur la base de la catastrophe et sûrement trop tard pour un vrai documentaire circonstancié sur l’événement et le travail des pompiers. Par conséquent, on se retrouve avec un film bon en rien et un peu mauvais en tout, sans cesse le “cul entre deux chaises”. J’en sors frustré et déçu par la proposition qui avait tout pour me plaire : un cinéaste reconnu pour ses adaptations, un budget plutôt conséquent et un événement à la fois personnel pour nous français et planétaire par son retentissement. Mais gardons espoir, la cathédrale renaîtra et peut-être qu’un jour un film sera à la hauteur de ce qu’il s’est passé.


La Note
3/10

Note : 3 sur 10.
Anthony Blandin
Anthony Blandin
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