Oppenheimer, le Prométhée Américain

Un nouveau film de Christopher Nolan, c’est toujours un événement. Au fil des années, le réalisateur britanno-américain a su se créer une immense fan base à travers le monde grâce à sa contribution aux films de super-héros avec sa trilogie Batman (dont le deuxième opus est considéré par beaucoup comme étant le meilleur film de super-héros qui soit) et grâce à ses concepts originaux, dont le plus connu est sans doute Inception, qui lui ont valu la réputation de “réalisateur cérébral”.

Aujourd’hui, il fait partie des réalisateurs les plus populaires de sa génération. Demandez à une personne qui ne s’intéressent pas forcément au cinéma quels sont les réalisateurs qu’elle connaît, il y a de grandes chances qu’elle vous cite Christopher Nolan. Mais alors, que se cache t-il derrière cette classification de “réalisateur cérébral”? Quelle cinéma est-ce que cela peut bien designer ? La réponse est peut-être plus simple à trouver qu’on le pense car, finalement, le public la donne de lui même sans s’en rendre compte lorsqu’il parle de films plus ou moins difficiles comprendre.  En quoi les films de Nolan sont-ils “difficiles à comprendre” voir simplement “complexes”? Et bien tout simple parce que Nolan aime brouiller les pistes et garder une avance sur le spectateur. La complexité des films de Nolan ne vient pas tant d’une réelle complexité inhérente aux sujets abordés, mais bien d’une volonté propre du réalisateur que ses films le soient. Et si cette conception du cinéma a pu alimenter nombre de détracteurs, dont l’auteur de ses lignes a pu faire partie, aujourd’hui les choses pourraient bien changer car Nolan a peu être enfin trouvé un sujet où la complexité va de soi.

Si Oppenheimer n’est pas sa première incursion dans l’Histoire (Le prestige, Dunkerque), c’est néanmoins son premier biopic et, Christopher Nolan oblige, il fallait qu’il soit consacré à un esprit brillant, pourquoi pas catalyseur de son obsession pour la destruction du monde, c’est donc assez naturellement qu’il s’est tourné vers J. Robert Oppenheimer, inventeur de la bombe nucléaire. Le film est donc construit en deux temporalités, deux subjectivités qui, à l’image des atomes, ne vont cesser de s’emmêler, de se traverser et, finalement, de s’entrechoquer en abordant les points cruciaux relatifs à la bombe: pourquoi/comment la faire ? Et quelles sont les conséquences d’un tel pouvoir ? S’il est clair que la conception relève d’une course contre la montre pour obtenir la puissance de dissuasion avant les nazis, illustrée par le montage de plus en plus nerveux et par un travail sonore induisant l’urgence, il est néanmoins impossible de nier la part d’égo qui s’est ajouté au processus, amenant Oppenheimer (le physicien, pas le film) à poursuivre la création alors que les journaux viennent d’annoncer la mort d’Hitler, comme si il était tout simplement incapable de s’arrêter après avoir entrevue le pouvoir que pourrait procurer une telle arme. Comme si la tentation d’une puissance, quasi divine était trop forte pour un homme.

Alors certes, le film va traiter majoritairement d’enjeux politiques, de jeux de pouvoir, et de trahison, mais toujours en sachant captiver le spectateur qui ne comprends sûrement pas grand-chose à tous le charabia autour de la physique quantique. Nolan le sait, et pour cela, il utilise brillamment une particularité qu’à le cinéma sur la science : “il fallait que je crée une idée ou une intuition de l’atome. Ça, le cinéma peut le faire. Pas la science” dira t-il lors d’un entretien accordé au magazine Cinema Teaser. Exercice réussi. Finalement, comme Oppenheimer (toujours le physicien), le spectateur fini par ressentir lui aussi cette fascination, ce désir d’avoir juste un aperçu d’un pouvoir aussi destructeur. Curiosité qui sera récompensée dans la meilleure scène du film, celle du test, au timing parfaitement rodé. Où la tentions palpable fait peser sur le long-métrage tous les enjeux historiques qui se jouent devant nous. La sidération du moment progresse au rythme des projecteurs qui s’allument sur la bombe, qui finit par exploser dans un silence renversant, à en glacer le sang, ou la beauté formelle n’a d’égale que la terreur. En filmant la colonne de feu, Nolan fait du physicien une figure prométhéenne dont le nom sera à tout jamais indissociable du chaos et de la destruction.


La Note
9/10

Note : 9 sur 10.
Robin Charrier
Robin Charrier
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