Un monde

Un monde est un film dramatique belge réalisé par Laura Wandel sorti le 26 janvier 2022 avec Maya Vanderbeque, Günter Duret et Karim Leklou.

Synopsis : Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d’enfant, dans le monde de l’école.


Pour son premier film après son court métrage « Les corps étrangers », la réalisatrice belge Laura Wandel choisi de s’attaquer dans son film « Un Monde » au sujet du harcèlement scolaire au sein d’une école primaire et son impact sur un garçon et sa petite sœur. Un monde, celui de l’école primaire et plus particulièrement celui de la cour de récréation, un lieu que seuls les élèves maîtrisent, comprennent, dirigent et où les codes (et ce qui s’y passe) sont incompris et hors de portée des professeurs et des parents dont l’impuissance est parfaitement mise en lumière par la réalisatrice.

Le film suit la petite Nora qui fait sa rentrée dans le monde des « grands » à l’école primaire et qui, comme tout élève arrivant dans une nouvelle classe, un nouvel établissement, va chercher à se raccrocher à la seule personne qu’elle connaisse au sein de l’école : son grand frère. À son grand regret, elle constatera assez vite que la figure fraternelle qu’elle admire est harcelée par ses camarades. Viendra alors le moment pour elle de faire un choix et de faire preuve de loyauté. Une loyauté envers son grand frère qui lui demande de garder le silence pour pas que les choses s’aggravent ? Envers son père qui s’inquiète pour ses enfants ? Ou tout simplement envers ses nouveaux camarades dans un souci d’intégration ? Un conflit interne terrible pour une jeune enfant haute comme trois pommes qui découvre la dure réalité du milieu de l’école primaire qui est à des années-lumière de celui moins brutal qu’elle a pu expérimenter auparavant.

Laura Wandel choisi d’aborder le douloureux sujet du harcèlement scolaire trop peu souvent traité au cinéma (ou de manière moins brute et maladroite). Le parti pris de la réalisatrice est de s’intéresser à ce sujet à travers le regard d’une enfant contrairement à ce qui se fait d’habitude pour des films de ce genre.

La cinéaste fait alors le choix de placer la caméra à hauteur d’enfant. Une décision judicieuse tant cela accentue le côté immersif de l’œuvre. Tout sera vu à travers le regard de Nora et on ne verra la tête des adultes que lorsqu’ils se baisseront ou viendront s’agenouiller pour lui parler. Une très bonne initiative qui au-delà d’accentuer cette volonté de voir par le biais de l’œil de Nora, permet aux spectateurs d’être intégrés dans l’œuvre puisque cela nous donne la sensation de faire partie des élèves, d’être un élève de plus au sein de cette école. Une vision qui peut paraître malaisante car tout comme Nora, nous sommes les spectateurs désarmés, muets, des sévices abjectes portés à l’encontre d’Abel. Sommes-nous tout aussi coupables à travers notre silence ? Pas vraiment, puisque ce silence exprime plus la sensation que nous avons déjà tous pu ressentir un jour lors de ce fameux rêve, où conscient d’un danger, nous nous mettons à crier sans qu’aucun son ne parvienne à sortir de notre bouche. Voilà ce qui résume le plus le sentiment que l’on peut avoir face à ce film. Tout comme les parents et le corps enseignant qui sont confrontés à ce problème dans le film : nous sommes révoltés face à ce qui se passe mais nous sommes impuissants.

Le harcèlement scolaire est parfaitement traité par Laura Wandel. Les images sont dures mais elles expriment la réalité que vivent certains enfants de nos jours et dont les séquelles peuvent être terribles et avoir un impact à moyen-long terme. Cet harcèlement reste pour le moment « seulement » confiné à l’intérieur d’un seul monde : celui de la cour de récréation. Un confinement superbement exprimé avec des plans rapprochés sur les enfants mais aussi sur la grille entourant l’établissement. Une manière la plus pure pour évoquer le fait que les parents laissent chaque jour leur progéniture dans un autre monde auquel ils n’auront jamais accès. On retiendra notamment ce plan ou le père joué par Karim Leklou (très peu présent à l’écran mais auteur d’une prestation solide et touchante) viendra prendre des nouvelles auprès de sa fille après avoir été mis au courant des faits de harcèlement concernant son fils ainé. Coincé derrière la grille, il lui sera impossible d’accéder à l’établissement et ainsi sauver ses enfants. À l’inverse, il nous sera impossible d’en sortir, coincés comme les enfants dans cet espace clos suffocant puisque Laura Wandel a fait le choix de ne jamais montrer ce qui se passe en dehors de l’école. La cour de récréation que nous avons tous connu, peut être un endroit magnifique pour les enfants. Un lieu à part, hors du temps, réservé aux élèves, une parenthèse enchantée propice aux nombreux moments de joie partagés avec ses camarades. Mais elle peut être aussi un environnement suffocant, une prison dont les barreaux visibles et invisibles viendront exercer une pression énorme sur les frêles épaules de jeunes enfants victimes de harcèlement scolaire.

Comment aider son frère ? Comment s’intégrer au sein de cette nouvelle école ? Nora sera partagée entre différents sentiments. Cette guerre intérieure de la petite fille sera superbement captée par la caméra de Laura Wandel à travers le regard bleu intense de Maya Vanderbeque, qui pour son premier rôle, est la véritable révélation de ce film. Ayant, selon ses dires, déjà été confrontée au harcèlement scolaire, Maya Vanderbeque livre ici une prestation qui respire l’authenticité dans un long-métrage qui lui a sans doute servi de thérapie, lui permettant ainsi de se confronter à ses propres peurs, ses propres souffrances. Günter Duret est tout aussi convaincant dans le rôle du grand frère Abel, qui essayera jusqu’au bout, avec une certaine tendresse maladroite, de protéger Nora et de la tenir éloignée de la souffrance qu’il est en train de vivre. Mais son salut passera par sa capacité à accepter la main tendue par sa petite sœur.


Pour son premier long-métrage, Laura Wandel frappe fort et maîtrise parfaitement ce dont elle veut parler et ce qu’elle veut montrer. On a déjà hâte de voir ce qu’elle nous proposera par la suite mais c’est clairement une réalisatrice prometteuse. En résulte un film choc, dont les images paraissent dures, mais qu’il est nécessaire de montrer à un jeune public. L’œuvre permettra ainsi aux bourreaux d’avoir une parfaite prise de conscience de la portée de leurs actes, aux victimes de pouvoir exprimer ce qu’ils vivent au quotidien et aux adultes de mieux comprendre la réalité à laquelle font face leurs enfants et ainsi pouvoir donner lieu à l’ouverture d’un dialogue.


La Note :
9/10

Note : 9 sur 10.
Jérémy Denis
Jérémy Denis
Publications: 15