You’ll Never Find Me : Visite surprise

Arrivé tout droit du pays des kangourous sur Shadowz depuis avril dernier, You’ll Never Find Me est le premier film du duo de cinéastes à en devenir Indianna Bell et Josiah Allen. Adapté d’un scénario écrit par Bell elle-même, l’histoire d’une femme qui, le soir d’une tempête, toque au mobile-home d’un inconnu afin d’y trouver refuge et de pouvoir y téléphoner. Sur le papier, tout a l’air au mieux réchauffé et au pire cruellement banal voire oubliable. Pourtant, ce petit film claustrophobique d’Australie possède quelques atouts non négligeables…

La définition du bonheur – © You’ll Never Find Me (2023)

Le contexte est donné : un homme assis, seul, écoutant une vieille musique de Betsy Brye à la radio. L’orage arrive, gronde, fait trembler la maison sur roues toute entière et déjà là on peut en tirer quelque chose. Un travail impeccable est effectué sur le sound design. Rarement un orage n’aura frappé si fort, la pluie martelant violemment la taule de l’habitat. Fort heureusement, ce travail méticuleux sur le son sera présent tout au long du métrage. Chaque bruit inquiète, les murs semblent respirer et souffler. L’homme ne semble lui-même pas à l’aise sous son propre toit. Pourtant, il s’apprête à accueillir une jeune femme, dont le « toque toque » fait sursauter. La situation initiale désormais posée, la paranoïa peut alors débuter. C’est là, peut-être, le tour de force de ce premier film : réussir à douter de tout, tout le temps.

Jordan Cowan et Brendan Rock se montrent tout aussi en confiance que vulnérable. Comme une feuille de papier prête à se déchirer si un malheureux coup de vent passait par là, les deux étrangers essaient d’apprendre à se connaitre. C’est ce qui paradoxalement les éloigne l’un de l’autre. Ils se repoussent autant qu’ils se rapprochent. Ils souhaitent en savoir plus par curiosité mal placée mais se freinent de peur de découvrir quelque chose de terrible. En effet, si leurs interprétations aident grandement à tenir le spectateur par le col, c’est aussi par la mise en scène et ses suggestions que le mystère réussit à prendre forme. D’une simple trace de doigt à un semblant de bruit sourd : tout nous inquiète et questionne aussi ces personnages. Pourquoi est-il ici, qu’est-ce qui semble le tracasser.

Pourquoi est-elle ici, que semble-t-elle cacher. Chaque élément est placé de sorte que ce slow burn s’embrase petit à petit pour mieux se dévoiler par la suite. L’homme lui sert à boire, elle hésite et ne prendra pas de gorgée. Il l’invite à prendre une douche, elle pensera qu’il souhaite l’espionner. Même lorsqu’il lui prépare une soupe, elle la verse dans ses bottes discrètement. Il est donc évident que l’une des volontés de Bell est de montrer l’insécurité féminine, et plus globalement les dangers que guettent en permanence les femmes qui ne peuvent vivre sans se poser mille et une questions sans craindre pour leurs vies. Chaque agissement de l’homme semble être un pas de plus vers l’irréparable et le drame.

Il va faire tout noir – © You’ll Never Find Me (2023)

Revient alors brusquement cette scène de l’introduction, celle d’une femme qui s’approche de la fenêtre d’une voiture. Ils décident tous les deux de jouer au menteur. C’est là que les questions se multiplient alors. Si ce qui précédait visait à montrer les difficultés des deux protagonistes de communiquer et de se faire confiance mutuellement, ce jeu continu et met à l’épreuve le peu d’interaction qu’ils ont eu. L’enfermement s’installe véritablement, le sourire se transforme rapidement en grimace à l’annonce des différentes motivations. Alors qu’on aurait pu tourner un peu en rond, le jeu du chat et de la souris se relance avec le jeu de cartes et permet à l’homme d’expliquer son passé. Le parallèle devient intéressant, l’homme se confie alors qu’il essaie de mentir en jouant aux cartes. Et tout comme le jeu de cartes, le spectateur se demande quand la situation va se retourner.

Finalement, la situation change de direction comme le vent. Et c’est peut-être la demi-douche froide. Car là où l’on aurait pu espérer quelque chose de plus original et bien trouvé comme ce qui précédait, la révélation fait l’objet d’un pétard un peu humide qu’on attendait d’entendre exploser plus tôt. Certes, les éléments sont bien placés et l’efficacité des idées de mise en scène permet de mieux faire passer le choix scénaristique – notamment avec ce cri perdu au milieu de ceux de la bourrasque qui atteint les oreilles de l’homme aussi violemment que la tempête. Mais c’est un climax logique et assez convenu qui s’offre alors à nous. L’homme entre dans une introspection de lui-même et permet à la mise en scène d’expérimenter et de rendre le lieu plus hanté qu’auparavant. Les murs qui semblaient être habités vivent véritablement, les murmures et les chuchotements tétanisent et les visages cachés se révèlent. De belles idées émanent encore une fois afin de rendre le lieu anxiogène et inhabitable.

Vous êtes encore là ? – © You’ll Never Find Me (2023)

Le titre prend finalement tout son sens : on ne le trouvera pas. L’auteur de tant de violence et de tant de sévices n’est aux yeux de son voisinage qu’un vieil homme un peu fou sur les bords. Les enfants viennent toquer à sa porte pour l’effrayer, sans connaitre la terreur qui habite le mobile-home. Il est invisible aux yeux de tous et ne dépend que de lui. Si quelqu’un doit le trouver, ce sera lui-même. On ne pourra trouver le mal, qui se cache entre ses murs et qui n’attend pourtant que d’être découvert. Difficile de pouvoir parler de cette conclusion sans trop en raconter. Que reste-t-il alors de l’ensemble ? Un curieux coup d’œil claustrophobique à souhait, mais qui, malheureusement, s’essouffle un peu lorsque la pluie finit de tomber. C’est assez solide cependant pour ne pas être tenté de suivre ce que le duo proposera par la suite.

Tristan Misiewicz
Tristan Misiewicz
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