“Argylle” désigne un motif de losange qui se répète continuellement. En s’ouvrant sur un verre orné de ce fameux motif, Argylle envoie un message clair : tout le film sera sujet aux motifs et à la répétition. Une comédie d’espionnage qui s’amuse à tourner en dérision les pastiches du genre ? Pourquoi pas, après tout, Kingsman l’a déjà fait. Simplement, si l’introduction pouvait bénéficier du doute (une fiction dans une fiction, ce qui justifie certaines aberrations visuelles), le passage dans la “réalité” amène avec lui un terrible constat : Argylle est sorti une décennie trop tard.
Les adolescents qui se rêvaient rebelle en allant voir Kingsman et Code U.N.C.L.E. ont grandi, gagné en maturité et Mathew Vaughn ne parvient plus à passer pour autres choses qu’un cinquantenaire qui veut se la jouer cool auprès des djeunes.
À priori, le constat pourrait simplement prêter à sourire, mais n’empêcherait pas d’apprécier le film. Malheureusement, en plus de ne plus être en phase avec son époque, le réalisateur de Layer Cake et Kickass dévoile purement une incapacité de filmer l’action (ce qui est embêtant pour un film où tout y est prétexte).
À la première scène de combat, le carnage opère : en se plaçant du point de vue de Elly Conway (Bryce Dallas Howard), le personnage de véritable espion de Sam Rockwell voit ses mouvements être amputés de tout élan/puissance par un montage épileptique. Se voulant souligner la perturbation mentale de Elly qui ne cesse dans son esprit de remplacer l’image de l’espion qu’elle regarde par celle d’Argylle, le personnage d’espion qu’elle a inventé pour ses livres.
Avec l’incapacité de filmer vient s’ajouter celle de raconter une histoire. Ici camouflé par les multiples twists, dont le procédé scénaristique du fusil de Tchekhov et son absence totale de subtilité par leur abus total dans l’usage (qu’on essaie de nous faire passer pour une tentative parodique) passent à la limite de provoquer une overdose chez le spectateur.
Faux rythme qui s’embourbe dans le ridicule tant il est évident que Mathew Vaughn n’est pas capable de laisser planer le moindre doute quant à l’alignement moral de ses personnages. À l’image d’une scène de patinage sur pétrole qui ne laisse aucune tâche, la matière dans Argylle est profondément renié et inexistante. Dernier symptôme d’un film qui se rêve transgressif, mais qui ne cesse d’être profondément attendue, grotesque et par-dessus tout : complément inoffensif.
La Note
3/10