Cocaïne Bear : l’exemple parfait du retour des films bêtes et méchants en salles

Il ne vous aura pas échappé avec mon dernier article sur Terrifier 2 (que vous pouvez lire juste ici) que j’ai une profonde affection pour le cinéma dit « bis ». Pourquoi me direz vous ? Déjà peut-être pour le plaisir assez coupable que l’on peut en tirer. Des films souvent bêtes et méchants, qui ne cherchent pas plus loin que le bout de leur nez tout comme le spectateur. De la tripaille, du gore, des twists et idées scénaristiques complètement ahurissantes dont on pourrait questionner la nécessité en premier lieu avant de découvrir le résultat final et de se dire « finalement je ne pensais pas que j’aurai eu besoin de voir cela ». Et pourtant, ce cinéma commence peu à peu à resurgir sans même que vous ne vous en rendiez compte et commence à refaire de plus en plus parler de lui. Le succès étonnant de Terrifier 2 certes, avec son budget de clopinettes (pour rappel 250 000 dollars américains) qui nous a cassé la tirelire avec près de 15 MILLIONS de dollars (même après coup c’est toujours aussi vertigineux). Mais se trouve aussi encore récemment dans le lot le très ludique M3GAN qui avec son portefeuille de 12 millions en a vidé 173.5 millions. Comment donc expliquer le retour à succès de ses films en salles qui nous font doucement plaisir ? L’exemple parfait pour appuyer mon propos vient de sortir en salles et se nomme Cocaïne Bear.

Sous la farine des tropiiiiques ♫

Réalisé par Elizabeth Banks, réalisatrice entre autres du remake/reboot/trouvez un nouveau nom pour qualifier un énième retour aux sources de franchise de Charlie’s Angels et de Pitch Perfect 2, le film raconte littéralement ce qui est écrit dans son titre : une ourse en CGI toute moche qui disjoncte après avoir inhalé quelques kilos de cocaïne perdus à la suite d’un accident. Cette histoire, en partie vraie d’un ours ayant réellement trouver cette cocaïne mais qui lui en est mort sur le coup, ne cherche pas à aller plus loin que le bout de son museau : une ambiance attendue de film américain bis des années 80 avec des looks rétro et la bande son qui va avec, son lot de personnages tous plus débiles et rigolos les uns que les autres juste assez présent pour se prendre de vilains coups de pattes avec parfois son lot de fulgurances dont on reste ébahit avec un sourire grossier (je pense ici à cette superbe course poursuite avec cette ambulance filant à toute allure tentant de fuir une ourse courant presque aussi vite qu’une Formule 1). Une série B honnête donc aux allures de film Z complètement assumée par ces CGI horribles et sa bête poilue à la force herculéenne pouvant broyer de l’os humain à tout va. Seulement voilà, comme les précédents films que j’ai cités, et ce qui en fait tout son sel à mes yeux, c’est que le film n’assure pas seulement le divertissement jubilatoire attendu et se révèle être solide dans son ensemble, même carrément abouti. On sent un amusement total que ce soit derrière ou devant la caméra, et malgré ses très grosses ficelles et grossièretés, le spectateur restera ébahit devant ce joli spectacle plein d’entrain et assez barré pour faire sourire. Le film se dote également d’un petit message écologiste, l’ourse devenant complètement dingue à cause de la bêtise de l’Homme et de ses abus de la Nature, difficile de ne pas y interpréter un message assez antispéciste notamment avec sa fin. Le casting est aussi très loin d’être aux fraises, Keri Russel et le regretté Ray Liotta, à qui le film est dédié et dont ce sera le dernier rôle à l’écran, crèvent l’écran et leur amusement se ressent fortement. Bien sûr que Cocaïne Bear ne prétend pas être un pilier du cinéma, ni même quoi que ce soit d’autre en fait, simplement une série B loin d’être seulement crétine et qui laisse au spectateur un sourire ravageur à la fin de la séance. Et en vérité, on s’en moque pas mal du reste.

Keri Russel et un écureuil

En effet, après s’être mangé en pleine poire des mastodontes hollywoodiennes de plus de 2h30 en moyenne, retourner à des films d’1h30 générique compris, qui ont pour seul et unique but de faire passer un bon moment au spectateur sans prétention font à mon sens un bien fou et aux spectateurs/fans de genre et aux salles. Le film cristallisant peut-être à merveille cela selon moi se trouve être Malignant, une petite malice réalisée par James Wan en 2021. Malignant c’est une sorte de boite de Pandore dont la curiosité en vaut finalement grandement la chandelle, renfermant des influences de Giallo avant de virer en pleine séquence déjantée à la John Woo et en véritable massacre numérique, la caméra virevoltant entre les différentes têtes éclatées et le cerveau du spectateur sous hallucinogène devant le twist final à hurler de rire et au génie. Entre quelques énièmes suites et reboot de Halloween et Scream, quelle fut ma surprise de découvrir une véritable proposition qui n’a pas eu peur de se ridiculiser et qui prenait aux tripes (sans arrières pensées). Le film englobe à merveille ce qui se passe depuis maintenant quelques années dans le cinéma de genre américain : un retour plus que nécessaire aux sources.

Petite photo de famille

Car quoi que l’on pense de ses reboots, requels, de ces films au synopsis ahurissants qui relèvent du mauvais rêve hallucinogène, il est évident que les spectateurs et les studios eux-mêmes recherchent des repères qui nous réconfortent. En revenant avec des sagas connues et aimées de tous (pour le meilleur comme pour le pire), retrouver l’aura de ces années 80 et leur audace : la tripaille, les néons, la bande son et la nostalgie qui va avec accompagné de ses punchlines toutes plus cultes les unes que les autres. Ou alors comme c’est le cas ici, en essayant de retrouver cette ambiance si jouissive et libre qu’encapsulait cette décennie, vrai joyau de l’horreur où toutes les plus grandes bêtises étaient tentées sans crainte du ridicule et du kitsch. Et on le voit, cela marche : que cela soit sur Netflix avec leur trilogie Fear Street et leur produit étendard Stranger Things, les récents succès au box-office de Halloween Ends et en ce moment même Scream VI, les succès de X et Pearl de Ti West retrouvant le sel des films de cette époque tout en modernisant le propos et l’approche… La liste est longue mais le constat reste le même : le cinéma de genre semble paradoxalement reprendre son souffle et au milieu de tout cela comme à cette époque, des films « bis » émergent et se retrouvent propulsés sur le devant de la scène. Pour conclure, disons le clairement : merde, ça fait du bien.

Tristan Misiewicz
Tristan Misiewicz
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