La nuit du 12 : une vraie enquête

La nuit du 12 est un film français réalisé par Dominik Moll, avec Bastien Bouillon et Bouli Lanners, sorti en en 2022.

Synopsis : À la PJ chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan c’est le meurtre de Clara. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et les doutes de Yohan ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12.


« Chaque année, la police judiciaire ouvre plus de 800 enquêtes pour homicides. 

Près de vingt pour cent d’entres elles restent irrésolues. 

Ce film raconte l’une ces enquêtes. »

La nuit du 12 octobre 2016, en rentrant d’une soirée entre filles chez « Nanie », sa meilleure amie, Clara est assassinée à quelques mètres de chez ses parents, dans cette résidence qu’elle connaît par coeur, où elle a grandi. Brulée vive, son corps calciné sera retrouvé le lendemain par la gendarmerie, à côté de ce square où elle jouait petite. 

Qui a tué Clara ? Pourquoi ? Pourquoi comme ça ? 

La nuit du 12 va nous raconter cette enquête. Menée par Yohan, tout juste nommé à la tête de la Police judiciaire de Grenoble, et son équipe, elle restera à jamais irrésolue. 

Ceci n’est pas un spoil : le film a fait le choix de nous prévenir dès le début avec cet avant-propos que j’ai retranscrit en haut de cet article. Cela peut paraître un peu décevant, d’abord, de connaître la fin de l’histoire, puis décourageant, ensuite, d’imaginer à l’avance la frustration que l’on va ressentir à la fin du film face à ces questions qui resteront sans réponses. C’est ce que j’ai ressenti au début. Mais dès que l’histoire commence, sa sincérité et son réalisme m’ont fait littéralement oublier ce détail. La déception a été énorme à la fin quand je me suis rappelé effectivement que j’avais été prévenu mais que je l’avais juste oublié, mais ça n’a fait que souligner la puissance du récit auquel je venais d’assister. 

Comme je l’ai dit, le réalisme de cette histoire est ce qui m’a le plus touché. Après une introduction simple mais extrêmement efficace où l’on vit en temps réel la scène de l’assassinat, le film nous plonge dans cette brigade de police judiciaire menée par Yohan, et animée par tous ses collègues, chacun avec leur personnalité différente. On découvre notamment Marceau, incarnée brillamment par Bouli Lanners, un policier qui arrive au bout de son parcours professionnel, mais aussi au bout de ses capacités physiques et mentales face à l’extrême difficulté du métier, confronté à l’horreur humaine tous les jours. 

C’est ce que j’ai aimé. C’est un film sur la police, sur le quotidien. Si pendant une heure cinquante trois, nous spectateur, avons la sensation que cette enquête sur l’assassinat de Clara est tout ce qui compte au monde, il s’agit en réalité d’une goutte d’eau dans l’océan. Ces enquêtes dont on n’entend jamais parler sont quotidiennes, mais brisent toujours des vies, et laissent des traces indélébiles aussi sur les enquêteurs. 

Le film accepte les émotions, il nous fait vivre nos sentiments à fond, sans tricher. Je pense au moment où Yohan et Jérôme vont annoncer aux parents le décès de leur fille. La scène dure trois minutes pleines, et c’est l’une de celles qui m’ont le plus marqué de ma vie. L’interprétation des acteurs joue pour beaucoup.
Plus le film avance, plus on apprend à découvrir Clara, et il prend le temps de nous imprégner de ce sentiment d’injustice qu’on va ressentir de plus en plus fort face à cette vie brisée. 

Les interrogatoires menées, les sujets interrogés, on plonge dans la misère humaine, celle à laquelle sont confrontées les policiers tous les jours. La recherche, les détails, les fausses pistes, les trouvailles, l’espoir et la déception, c’est ce que nous fait vivre le récit. 

Le récit passe par plusieurs étapes, nous fait découvrir différents profils, et comme le disent les policiers dans le film, tous pourraient être l’assassin de Clara. Mais les preuves manquent. Il y a une dimension évidemment participative, comme beaucoup de films d’enquête où, en tant que spectateur, on essaie de participer, de se convaincre, d’émettre des théories.
Il y a beaucoup de détails, ce qui nous permet de spéculer, mais comme les enquêteurs, on se sent impuissants.

Marceau dira : « on fait un boulot bizarre quand même, on interroge les gens, on fouille dans leurs affaires, on écoute leurs conversations, on écrits des rapports, des rapports et des rapports…on combat le mal en rédigeant des rapports ». 

Ainsi, La nuit du 12 est un film qui parle évidemment de l’insécurité que vivent les femmes au quotidien et des risques qu’elles encourent injustement, même lorsqu’elles se promènent au début de la nuit dans leur petit village d’enfance, si tranquille. Il rappelle la réalité des homicides sur les femmes, avec un décès tous les trois jours, voir tous les deux jours dans les mauvaises années. C’est certainement cet aspect qui a contribué pour beaucoup au succès critique qu’a rencontré le film de Dominik Moll. 

Mais selon moi, l’intérêt du film dépasse ce postulat :  il montre la réalité du métier de policier, et le fait que malgré un investissement sans failles, il est parfois impossible de trouver des réponses. Il montre l’horreur du sentiment d’impuissance, de la sensation de tout donner mais de se sentir inutile. C’est un exemple du manque de moyens auquel sont parfois confrontés ces métiers, même si cela ne résoudrait pas tout, mais aussi un exemple de l’humanité de ces agents, qui eux aussi commettent des fautes et ne peuvent pas toujours être parfaits face à l’exigence et à la rigidité du métier. Dominik Moll a passé quelque temps en immersion à la PJ de Grenoble, et ça se ressent dans la justesse du récit. 

Ces thématiques me touchent et c’est certainement pour ça que le film a eu autant d’impact sur moi. Toutefois, il est aussi réussi dans sa forme, indéniablement. Il nous imprègne d’une ambiance morbide notamment grâce à la photo et aux décors de cette ville de Grenoble, grise et froide dans le film. L’immersion est renforcée par la qualité des décors : nous sommes enfermés dans cette histoire, comme la ville de Grenoble est encerclée par les montagnes.
Toujours dans ce travail de l’ambiance, la Bande Originale est extra, les thèmes sont marquants, notamment celui présent lors de la scène d’assassinat.

Comme je l’ai évoqué, le film a rencontré un très grand succès critique et vis-à-vis du public également. Il est d’ailleurs le grand gagnant de la dernière cérémonie des Césars, avec six récompenses, dont celles du meilleur scénario adapté pour Domink Moll et Gilles Marchand, celles du meilleur espoir pour Bastien Bouillon et du meilleur acteur dans un second rôle pour Bouli Lanners, ainsi que celui de la meilleure réalisation et du meilleur film. Au vu de ce qu’il raconte, il est important de savoir qu’il a aussi remporté le prix des lycéens. 

La puissance du film est encore renforcée par un facteur : il est inspiré d’une histoire vraie, une de celles dont on n’entend jamais parler. 
Elle s’appelait Maud. 


La note
9/10

Note : 9 sur 10.
Baptiste Coelho
Baptiste Coelho
Articles: 16