Petites choses sur les petites choses

« Il n’y a plus rien d’innocent. Les petites joies de l’existence, qui semblent dispensées des responsabilités de la réflexion, ne comportent pas seulement un élément de sottise têtue, d’aveuglement volontaire et égoïste, en fait elles se mettent directement au service de ce qui est le plus totalement en contradiction avec elles. Même l’arbre en fleur ment, dès l’instant où on le regarde fleurir en oubliant l’ombre du Mal. »

T.W Adorno, Minima Moralia (1951)1

Ce hurlement face à la diversion, malgré son intensité, n’atteindra jamais la permanence détachée de l’écho. Qu’on entend parler du quotidien au cinéma, de sa contrefaçon, d’une contrefaçon même faite sur le dos de ses artisans. N’échappe pas à la liberté du regard bourgeois qui veut, et nous sommes forcés de constater que le regard bourgeois veut ce qui l’arrange, c’est-à-dire ce qui ne le regarde pas au sens littéral du terme. Quotidien ? Les « petites joies de l’existence » comme le disait Adorno ? La bourgeoisie a-t-elle honte au point de vouloir virtualiser la vie de ceux qu’elle domine ? Car en somme quand on parle de cinéma du quotidien, on ne pense qu’à un fantasme ascétique, un ensemble de fragments d’une vie dont le rêve de bonheur est déjà, une vie sage de paix dont il faut se contenter. Ce cinéma existe-t-il, d’ailleurs, ou n’est-il qu’un découpage vulgaire issu des lacunes analytiques nécessaires à l’apolitique pour simuler la cohérence de son conservatisme ? Rappelez-vous qu’une cinéphilie qui ne regarde que le cinéma regarde en général très mal le cinéma, et érige en vertu absolue la fainéantise issue de la délégation de tout esprit politique (sous-entendu, critique) au « plaisir esthétique », qui existe mais peut se sentir bien seul quand on lui donne tout à supporter. On a pu voir ce bonheur des petites choses loué à la sortie de Perfect Days de Wim Wenders, aux recoins de la filmographie d’Ozu. Ce quotidien jouerait sur l’harmonie des peines et des bonheurs pour être beau, car en tant que somme il suffit à se dire qu’on vit et que c’est déjà ça. Pas mal. Ca rappelle le « c’est comme ça » qui caractérise si bien le rapport du décevant film de Cimino Voyage au bout de l’enfer au travail, toile de fond, aspiré dans un paysage qu’il faut faire vivre sans griefs afin de mieux le faire regretter. Mais ici on parlera de cinéma japonais, et à l’emporte de pièces. Elles représenteront, ces pièces, ce qu’elles représentent et d’autres qui vont avec.

Rappelons que depuis l’industrialisation du cinéma, la petite chose n’existe, hors du documentaire (et encore), qu’en tant que reproduction scénique. Sa captation n’existe plus comme à l’époque où on s’extasiait de la simple retranscription de fragments de la vie par les frères Lumière, finalement premiers cinéastes du quotidien. On montre une reconstitution du flux de la vie, un mime, et la question n’est donc plus tant l’essence vérifiable de la petite chose que sa pertinence dans le dispositif du film, ce qu’elle vaut doublement en tant que petite chose du quotidien et en tant que chose représentée. On ne la découvre plus, du moins dans le medium-cinéma. Car la caméra s’étant entre temps démocratisée chez le particulier, la captation au sens des frères Lumière est devenue l’affaire d’un « art » réellement quotidien dans sa production autant que dans ses représentations. N’idéalisons pas non plus la véracité absolue de l’impression vidéo des fragments de vie, tout autant contaminée par les représentations cinématographiques que les représentations cinématographiques sont contaminées par les dynamiques du monde réel. Il n y a qu’à voir la tradition du film de vacance.

Makanai: dans la cuisine des maikos, réalisé par Hirokazu Kore-eda, Megumi Tsuno, Hiroshi Okuyama, Takuma Sato – Netflix (2023)

Retournons à l’extrait de T.W Adorno, épigraphe de cet article. Cette année est apparue sur Netflix la nouvelle série d’un grand cinéaste japonais contemporain, Hirokazu Koreeda, et elle porte en elle avec fierté, tous les symptômes dénoncés par le philosophe. Makanai : dans la cuisine des maikos évolue dans le milieu des maikos, danseuses du quartier de Gion à Kyoto, le quartier des geisha, papillons dont les maikos sont les chenilles. On est introduit dans la série par la préparation d’un plat, par sa matière polymorphe et peu à peu modifiée par la chaleur, observé par un mouvement qui l’épouse comme un paysage survolé. C’est la grand-mère d’une des deux protagonistes qui le prépare et qui scelle symboliquement le destin tonal de l’œuvre. Le ton d’une joie conductrice, issue d’une jouissance de la matière. Celle de la nourriture ici, plus tard celle de la poudre en haute définition sur un cou qui se prépare à être désiré par les hommes et fantasmé par le public occidental. Sublime ode à l’objectivation de l’adolescence féminine par ce milieu, Makanai travestit la réalité par deux joies : celle de la disparition de soi dans l’art de la danse, moyen d’anoblir et d’individualiser la réification systémique de la femme par et pour les hommes ; et celle de la matière, sous la forme des petits plats préparés dans la maison des maikos. La dissimulation des dynamiques objectives de l’existence des geishas et maikos par la matière sensorielle et le positivisme infère à la glorification non pas d’un filtre par lequel nous parviendrait le réel, mais de son reflet déformant. Car le générique arrivant quelques dizaines de minutes plus tard finit d’achever le destin barbare de l’entreprise. Avalanche de fragments devenus autonomes par le gros plans, dont l’existence n’est cantonné qu’aux formes et aux textures, ce qui existe en tant qu’objet n’existe finalement plus tant pour ce qu’il vaut en tant que tel dans la continuité de l’existence que comme manifestation de l’idée de raffinement. Le raffinement – beauté particulière de par l’importance que prend dans sa consommation la technicité qui l’a enfanté – comme prédateur de toute existence socio-culturelle de la chose. C’est paradoxal, ces objets étant aussi mis en scène comme constellation d’une culture. Mais une culture qui se fait voir sous l’angle de la promotion, et qui par cela doit viser l’universel et donc englober dans l’identique et la tendance tout ce qui la compose. Ce générique est une fin en soi pour l’œuvre, qui ne peut cependant s’y cantonner, obligée de broder du narratif de par sa nature d’objet audiovisuel commercial narratif. La maiko et la cuisine comme moyens d’exporter le japon à l’étranger, de répondre à l’appétit d’exotisme, de renvoyer l’image désirée. Ce n’est pas un hasard si les éloges faites à l’œuvre soulèvent son caractère réconfortant, permettant de « s’évader du réel », via pourtant la mise en scène d’un espace qui se veut tout à fait naturaliste. L’industrie culturelle a si bien perfectionné ses propres codes que maintenant même la réalité peut divertir de la réalité.

La matière issue des plats cuisinés constitue donc le point névralgique de toute la propagande du raffinement qui englobe l’image, la contorsionne pour la forcer à confirmer son mouvement vers l’auto conservation du système, anesthésiant au passage toute contradiction. Contradiction à l’image du Galilée s’excusant devant la répression d’avoir refusé la tendance, la dérision du milieu par Yoshiko par exemple n’est qu’un outil utilisé par l’œuvre pour varier les tons, et ce qui aurait pu être un contrepoint à la tonalité globale se retrouve être une variation de ton seulement, qui assoit de plus belle la série à la table de « la vie », reconstituée dans sa pseudo complexité et surtout vendue comme telle. Yoshiko est seule, et pour avoir le droit d’exister, elle doit devenir une valeur positive. Elle devient donc un objet de dérision, elle devient comique au lieu de rendre comique, tant elle est étrange au sein de l’ordre, et en même temps inoffensive. Rien ne peut échapper au totalitarisme des petites choses qui apparaissent alors comme les milliers de rouages d’une machine à broyer. La moindre petite bulle de bouillon ou les plis d’un kimono lors d’une représentations deviennent détestables en ça qu’ils contribuent à l’ordre, les choses sont défigurées en ça qu’elles n’existent qu’à travers leur texture, sans présence signifiante, marque d’une déformation de la barbarie en idéal. Méthode peu originale qui nous fait penser à cette feuille flottant dans le courant doux d’un ruisseau, regardée par deux enfants, et qui au sein de la production objectivement fasciste qu’est Cette belle vie de Mikio Naruse sorti en 1942, semble soudain portée par les flots du sang des boucherie de l’Empire du japon, quand on se le remémore entre deux rayons de soleil. Cette belle vie de maiko, on y croit peu, on l’avoue. Elle apparait comme la multiplication en série de cette « image de confirmation »2 décrite par Siegfried Kracauer dans Théorie du film, l’image de beauté, mais même plus, l’image qui porte en elle tout le bonheur promis par ce qui sommeille juste dans l’harmonie des autres images, tous en étant l’aboutissement du mouvement général.

Le pudding improvisé par la Makanai – Maiko qui n’a pas réussi mais qui a trouvé son moyen de contribuer à la confirmation – pour une des danseuses prend donc un tout autre sens face à cette idée. Il n’a rien de ce petit moment d’utopie humaine survenue dans l’hégémonie de sa négation, justement car il est radicalement le morceau d’un immense petit moment systématisé et sacralisé, rien que cela. Makanai oublie qu’en mentant sur la réalité objective qu’habille la matière du filmé – elle fait pire d’ailleurs, elle l’omet –  elle opère une mutilation qui donne à son apparat tout le sordide du steak haché quand on remonte la chaine de sa production.

Séquence où la makanai prépare un pudding de fortune dans l’épisode 3 de Makanai: dans la cuisine des Maikos

Ce qui semble être l’inspiration principale de la série se trouve aussi être son total contrepoint. Au gré du courant de Mikio Naruse, sorti en 1956, présente lui aussi le quotidien des geishas (ici s’en est pleinement), lui aussi introduit à nous par un vecteur extérieur aux pratiques du métier, celui d’une veuve (interprétée par Kinuyo Tanaka) devenue domestique. De par sa structure de film mosaïque et sa volonté de décrire des scènes de vies, le film s’attache à l’exposition minutieuse des détails du quotidien de ces femme, détails sur lesquels repose l’intrigue. Mais le détail ne vaut pas en tant que tel, il existe pleinement parmi les autres en tant qu’organe de la vie retranscrite. Mais organe de tensions, de contradictions, qui rend l’énergie d’amer lutte qui habite la réalité selon Naruse. On prendra pour preuve cette simple séquence.

Deux geisha rentrent d’une soirée avec des clients, totalement ivres. Elles dansent et chantent, réveillent toute la communauté de la maison. Elles semblent enfermées dans leur amusement, l’esprit encore là-bas. Mais un spasme s’empare de la plus vieille. Elle vomit, dans le fond du plan, vers l’extérieur de la maison, dans l’obscurité de la nuit. Naruse sauvegarde sa dignité, et il ne reste pour nous que la nature devinée de ce qui se produit : elle vomit, une acidité gastrique émane d’elle, cet amusement lui ronge en fait l’organisme. Pendant cette image de félicité marquée par la danse et la chansonnette, la vérité survient sans le verbe, sans raisonnement, par la pure puissance incontrôlable du corps. Cette image du mal brise l’apparence de joie des deux femmes, un mal tout à fait concret, dont la cause nous semble toute trouvée, car découlant de la même source que la joie. Si l’ivresse, allégresse un peu sale selon les mœurs, empêchait déjà toute image de confirmation, le vomi fait basculer la situation dans le démentis total du cliché, et ainsi le film via le détail, petite chose non glorifiée, fournit des indices aux spectateurs sur l’existence d’un mal qui parce qu’il ne se fait que soupçonner, existe déjà trop pour que l’idéal existe. On voit un corps se courber, on entend des râles s’échapper d’une gorge. Mais on voit aussi une main amicale taper sur un dos, quittant son rêve d’ivresse pour réconforter une amie. Ce geste chaud arrive contre la désillusion froide d’une fausse chaleur, semble faible, mais constitue déjà et vraiment cette petite chose qui sauve en petit, cachée dans le grand mal qui se manifeste lui aussi en petit. Et tout cela arrive dans un plan fixe moyen, qui n’aspire l’image dans la radicalité d’aucune idée, car les comportant toutes en un seul univers.

Séquence susmentionnée dans le film Au gré du courant réalisé par Mikio Naruse en 1956

Naruse revendiquait l’épure contre les procédés mélodramatiques qu’il considérait comme peu représentatifs de sa réalité. Personnage principal de sa démarche, celle de trivialiser le drame commercial qu’on lui commandait, le détail du quotidien y sert d’accumulation dans l’image consensuelle afin de la dilater, de l’ouvrir à d’autres horizons que celle de sa fonction pratique d’expression. Apprendre qu’une geisha prie une idole dans la maison, le voir même, ce petit totem de pierre, n’avance à rien d’autre qu’une existence hors du cliché, ou plutôt en plus de ce dernier, qui déchire ses frontières si définies. Et ce toujours par le plan fixe, simple, comme les autres qui composent le film, de sorte à ce qu’on puisse saisir la teneur de l’objet à sa comparaison avec les autres choses et êtres du film, tout en les liant à un même espace de réalité. Chez Naruse il y a sécularisation du mélodrame, ne laissant de lui que sa nature de confrontation. La volonté de mettre en scène un monde concret à qui tout appartiendrait, un même espace où on pourrait voir s’affronter les êtres et les choses en tant que ce qu’ils sont. Cet espace prosaïque n’est cependant pas une fin en soi, il est une violence même, de laquelle il faudrait se sauver, n’enfermant pas les films dans un mythe non pas de la raison mais du raisonnable face au réel.

Pour Naruse un enfermement dans l’image mélodramatique ne sauve pas la réalité de sa froide cruauté. Pas la même froide cruauté que celle d’un Mizoguchi par exemple, car plus focalisée, justement, sur les choses moins immédiatement tragiques. Si Mizoguchi est le cinéma de la tragédie immanente à la réalité systémique, Naruse est le cinéma du vénéneux, comparable au personnage de Misard qui empoisonne légèrement et quotidiennement les plats de Phasie pour la tuer à petit feu dans La Bête Humaine d’ Emile Zola. Cachés sous des milliers de petites choses, d’informations, on voit moins vite venir les chocs. Ça frappe d’un coup, comme cet homme qui meurt hors champ dans L’éclair, ou l’enfant malade qu’on regardait s’endormir dans La Mère et dont les funérailles sont déjà passées au plan suivant.

Le quotidien se manifeste alors via une temporalité particulière, celle d’un temps qui avance seul, qui traverse les drames et ne s’y attache pas. Il reste fidèle à son écoulement et ne se termine jamais vraiment. Le récit mélodramatique chez Naruse n’est pas déconstruit par la négation directe de ses manifestations – elles existent bien dans son monde – mais parmi d’autres choses, si-bien qu’elles apparaissent en tant qu’une histoire dans un espace trans-narratif, le film. Comme dit précédemment, elles ne sont plus la seule horizon du film. Il y a tellement d’autres histoires que les petites choses annoncent par leur simple présence. Un vendeur ambulant arpentant une des nombreuses ruelles des quartiers populaires de Tokyo dans L’éclair, des enfants qui jouent à la guerre sur un terrain vague dans Toute la famille travaille (film sorti pendant l’invasion de la Chine par le Japon), un gamin à vélo qui frôle l’héroïne de Nuages Flottants allant retrouver son amant dans un bas-fond de Tokyo, bref le détail du quotidien comme possibilité sans fin d’existences autant que contextualisation de celles approfondies par le film. Dilatation du temps et donc du tempo du mélodrame, devenant un temps permis à toutes les existences. Car pour voir l’altérité il faut se décoller des élans individuels, ouvrir sa vue, se poser pour capter le plus de flux de vies. La vision du quotidien par Naruse conditionne donc un rapport pratique à l’épure.

Marchand ambulant dans les quartiers populaires de Tokyo dans L’éclair réalisé par Mikio Naruse en 1952

Il faut remonter à cette séquence d’introduction de Trois sœurs au cœur pur en 1935 pour trouver l’extrême manifestation de cet ailleurs narratif par la rue. Cette introduction est constituée d’une alternance de plans documentaires « pris sur le vif » représentants de grandes avenues et places de Tokyo, visitées par leurs foules habituelles, jusqu’à se centrer sur la protagoniste réparant sa sandale, entre tout ce monde, comme si le film l’avait choisi au hasard parmi les autres. La rue est montrée, toujours dans Théorie du film, comme l’espace par excellence qui sépare définitivement l’art classique et les nouveaux arts que sont la photographie et le cinéma, en ça qu’il comprend en son sein un incontrôlé, une chose qui n’émane pas de l’artiste mais qui pénètre dans son œuvre, et dès lors participe à complexifier la réalité du film3. Une part de hasard découlant de la nature dite monstrative du cinéma, dont la création à proprement parler n’est pas le premier phénomène. Dans Trois sœurs au cœur pur on peut dire que la fiction est carrément adoubée, même concrétisée par le documentaire qui l’entoure, et le documentaire devient fiction car immiscé dans un contexte de fiction et expérimenté par elle et la vision du monde qu’elle porte. Elle est liée logiquement à lui et vice versa, de sorte que les deux termes finissent unis dans un dessein commun de réalisme, chose qui a toujours animé Naruse, trahit selon ses dires par « la vie » à qui il essaye de rendre des comptes le plus possible.

Makanai a vraisemblablement tenté de reproduire cette mosaïque diégétique en multipliant les personnages et les vies. Mais c’est sans comprendre que chaque histoire chez Naruse se présentait nécessairement comme l’ailleurs d’une autre, rimait avec différentes représentations, certes, mais qui se rentraient dedans, débattaient ensemble par leur existence mises en parallèle par le medium film. L’expérimentation de la réalité d’un milieu social, qui passe par le démentis de la vérité du cliché vautré dans son opulente hégémonie. Une nuance qui en sapant la radicalité absolue de l’image de confirmation, la détruit logiquement. Une geisha qui, alors qu’elle reproduit l’image du glamour en allumant sa cigarette, s’exclame que sa condition est dure. La vie des geisha filmée derrière l’image vendue d’elles par leur travail – qu’on ne voit quasiment jamais, mais dont on voit par contre toujours les effets toxiques- et non pas la continuation de cette image hors du travail, aliénation tentaculaire qu’exalte Makanai.

Presque l’incarnation du terme de cinéma du quotidien, Ozu a souvent été celui avec qui on comparait Mikio Naruse, leur cinéma étant similaire sans vraiment l’être. Dans le cinéma d’Ozu le quotidien est avant tout une affaire d’endroits qu’il habite des caractéristiques affiliables à la banalité, dans le sens où leur fonction est d’abord celle de la vie quotidienne des personnages avant d’être une fonction narrative. Mais dans son cinéma ces endroit deviennent sacrés au sens étymologique du terme, donc délimités, et répondants alors à leurs lois seules et ce de manière autonome, presque de manière caricaturale (on l’a, à juste titre, comparé à l’ultraréaliste Tati). La coupe nette si caractéristique de son cinéma trace en permanence ses frontières internes. Ozu cinéaste du lieu humain avant tout, qu’il traverse et examine parfois même hors du vecteur-homme, amenant à ces fameux lieux vides de présence humaine, ce qui n’arrive que très rarement chez Naruse, cinéma boulimique de vie dans le plan. On a tant vanté l’universalité d’Ozu, qui se manifeste par la matérialisation des caractéristiques globales des environnements (comment, qui et pourquoi on les utilise), et ainsi systématise le lieu. Le quai de gare d’Eté précoce semble si étrange alors même qu’il est une image banale, car une harmonie sous-jacente semble l’habiter, là où le vécu est fondamentalement disharmonique quand on le perçoit. La direction des hommes est la même, leur profil est d’ailleurs peu varié, répétant un type presque à l’infini. Tout cela sur un sol épuré, conquérant l’image de leur récurrence. On perçoit ainsi comment la dynamique du lieu s’étend au sein même des êtres. Ils sont façonnés par elle, par son fonctionnement même.

Séquence d’arrivée à la gare de la protagoniste d’Été précoce réalisé par Yasujiro Ozu en 1951

Cela dit c’est à notre sens pour mieux faire sentir l’instant où cet ordre est troublé par une dérive, quelque chose qui le tourne en dérision en abordant l’environnement différemment des lois qui l’habite. Un des intérêts réel d’Ozu serrait en fait pour nous cette dérive plutôt que l’immuable quotidien universel qu’on voit tant chérit à travers lui. C’est 3 plans, disons 3 gestes, que nous retiendrons pour l’illustrer. Deux premiers plans d’abord, celui d’Eté précoce et celui d’Herbes Flottantes. L’un est composé d’un chien errants sur une plage idyllique de Kamakura, et l’autre un phare imité par une bouteille de saké vide. L’ordre ici est une splendeur sans limite, l’extase, la sidération si bien décrite par les commentateurs d’Ozu face à un sublime direct. On pourrait y voir la continuation de ces estampes d’Hiroshige ou Hokusai représentant des paysages vierges de vie, totalement au service de la nature. Cet ordre de la beauté est pourtant contredis par un élément vagabond, moqueur de tout l’ordre, qui dans sa substance canalise tout l’inverse de l’écrasante pureté de ce qui nous est montré (alcool consommé, chien sale et surement enragé). Il gâche le tableau, et ce faisant il le nargue, en existant à l’intérieur, en se réappropriant l’espace. Ce détail est encore plus splendide que tout le reste, en cela qu’il ramène à la vie ce qui sans lui aurait été, comme dans Makanai, un divertissement du splendide. Le chien se ballade dans le paysage commercialisé (« de carte postale ») comme si on lui autorisait, la bouteille imite drôlement l’imposant phare. L’imparfait se donne le droit d’exister, rappelle que l’environnement est avant tout vécu avant d’être contemplé. Là où Naruse aurait soustrait la fulgurante beauté de l’image pour la faire humble beauté d’un paysage en périphérie du drame des hommes centrés par la caméra, Ozu suggère seulement la vie possible et libre au sein de la beauté infinie du plan : «J’avais envie de crier du fond du cœur que chaque existence est bien telle qu’elle est ! » disait Ozu lui-même. Légitimité du profane à exister donc, et ce même dans le sacré tout en maintenant son aspect profane, positivité à maints lieux du mouvement total de falsification des choses de Makanai, car n’influençant en rien sur la substance de l’objet pour le louer. Ne le modifiant pas pour le rendre louable, laissant naitre une réaction de choc léger entre les présences, comme la transposition d’un gag « chaplinien » dans l’aura diffuse d’un paysage.

Dans l’ordre, le premier plan d’Été précoce (1951) et d’Herbes Flottantes (1959)

On citera aussi le geste qui, pour nous, représente le plus cette dérive. Un geste au sens littéral du terme, dans une enseigne de pachinko (sorte de flipper) à l’intérieur de Le goût du riz au thé vert. Le protagoniste, loque magnifique dans la digne lignée de ces personnages inexistants et en décalage des romans de Natsume Soseki, tape sur la machine car, bien qu’il ait gagné, son gain n’est pas distribué. Par son refus de laisser tomber, il provoque une dissonance, ou plutôt révèle celle qui a lieu dans l’amusement automatisé post révolution industrielle. Cette dissonance réveille le gérant du pachinko, qui est reconnu par le protagoniste comme un ancien compagnon de guerre. Mais pour que cela se produise, il a fallu taper sur la machine, ce qui de la bouche du gérant est à ne pas faire, sous peine d’abimer l’appareil. Il y a donc eu, avec cette dissonance, une résistance à un devoir et une remise en question. Elle rompt l’harmonie sonore de la séquence en ajoutant des bruits imprévus (toc-toc et voix haute) et la posture qui découle de la réification de l’individu par la machine de pachinko: chacun à sa place (le protagoniste et son ami tapent sur une seule machine) et ce en étant presque immobiles (ils bougent en inspectant la machine). Enfin la logique même de la salle du point de vue du spectateur est perturbée, car surgit de derrière les machines le gérant depuis un espace qu’on n’aurait pas deviné habité, provocant un effet comique. La dissonance a donc permit de transfigurer cet espace sectorisé du quotidien, de rompre les lois sacrées du lieu pour rassembler deux hommes. Une dérive s’est opérée dans la chaine d’événement du quotidien. Roland Barthes disait du geste Brechtien qu’il était social, car : « tout geste n’est pas social : il n’y a rien de social dans les mouvements qu’un homme fait pour chasser une mouche ; mais si ce même homme, habillé pauvrement, lutte contre des chiens de garde, le geste devient social. »4. Ozu surpasse cette opposition : ici n’importe quel geste, pour vu qu’il soit un « non » unique parmi les « oui », est quasiment prophétique, car il montre que l’hégémonie de l’identique n’est pas encore, qu’il reste de l’air pour être un peu soi et lier les hommes. Par ce geste, et par les imparfaits vu précédemment, on entrevoit un possible où le capitalisme (cela, c’est nous qui le désignons comme tel) n’a pas encore dévoré l’expérience subjective hors des clous. Le quotidien n’est donc pas chez Ozu affaire finie, rêve universel de discipline de la vie. Il est un espace renvoyant l’image d’un ordre immanent rompu par une cocasserie, un rire caché parmi la tendance conditionnée par le lieu, symbole d’un espace déjà un peu réapproprié par des réticences et résidus du comique de ses films d’avant-guerre.

Séquence susmentionnée dans Le gout du riz au thé réalisé par Yasujiro Ozu en 1952

Wim Wenders, cinéaste du nouveau cinéma allemand, est l’homme qui finit d’achever la reconnaissance d’Ozu en Europe, via son documentaire Tokyo-Ga. Son dernier film, Perfect Days, ne fait aucun doute sur sa volonté de rendre un hommage supplémentaire à son réalisateur fétiche. Sa fiction se focalise sur un agent d’entretiens des WC de Tokyo, dont les journées sont organisées autour de petits moments et plaisirs répétés inlassablement. Ici dès lors le quotidien romantisé vient par le personnage seul, dans le sens où l’idéal simple et humble, qui pouvait se transmettre en tant que somme des divers aspects des œuvres comme Makanai ou dans les films d’Ozu, devient maintenant un enjeux narratif du personnage. Un idéal personnifié à l’échelle d’un unique individu et mit en pratique. Il vit son idéal comme certains spectateurs pouvaient espérer vivre le leur via les films d’Ozu. Si l’image quotidienne d’Ozu était une tension entre la dérive et l’uniforme si bien que l’idéal d’un quotidien unis était relativisé ; si une tendance globale des petites choses dans Makanai les faisait apparaitre comme un système conditionnant le rapport au réel pour séduire ; si Naruse considérait ces petites choses comme un moyen d’explorer la réalité complexe en périphérie des clichés du mélodrame, on peut tout de même dire que ces 3 exemples présentaient une idéologie du quotidien comme quelque chose qui précédait leur manifestation à travers les individus, qu’elle soit déconstruite, louée ou simplement là. Le protagoniste du film de Wenders diffère donc en ce sens où il exprime  – par ses actes –  des velléités de se construire un « quotidien ».

Ce qui signifie une autre chose, c’est qu’hors de lui existe un autre rapport à la vie de tous les jours. Là où Ozu fragilisait l’objectivité en créant un mouvement en son sein, Wenders fragilise l’ordre de la subjectivité. Le plan fixe immobile n’a plus lieu d’exister : on laisse place à une caméra certes fixe mais constamment tremblante, à une alternance rapide des fragments de vie presque emportés par le temps du récit, en bref, une impermanence de l’ordre du protagoniste. Une œuvre comme Makanai enferme dans les petites choses et fait de l’expérience subjective momentanée un système de valeur déjà installé, niant les contradictions qui l’habitent. Perfect Days, via l’impermanence, via des situations qui décalent toujours le protagoniste de son rituel (lorsqu’il doit travailler à la place de son collègue ou quand sa nièce vient lui rendre visite), évoque une négation de l’idéal des petites choses , ce que la série de Koreeda se refusait de laisser soupçonner pour la pérennité de son système commercial. Cette négation n’est pas seulement un contrepoint. Elle permet de montrer qu’un idéal de vie n’est pas possible sans les autres, et surtout que l’espoir d’une vie d’ascèse au sein de ce système est toujours broyée. La dure réalité du travail envahie l’ordre du personnage, et le sourire contrasté du gros plan final, bien que tout à fait balourd dans sa nuance, contraint le spectateur à voir un certain temps que même dans le rêve on ne peut fuir « l’ombre du mal » que décrivait Adorno.

Perfect Days, réalisé par Wim Wenders (2023)

Le cinéma japonais contemporain a aussi vu apparaitre un type assez spécifique de films de famille – que nous avions déjà brièvement évoqué dans cet article sur la notion d’ultraréalisme –, qui semblent reprendre les grands traits du film de famille japonais pour les défigurer. Adoptant une forme plus satyrique, ils font des positions des personnages dans la construction sociale de la famille leur caractère principal, se proposant de transcender les dits caractères par la même occasion. Ils installent donc logiquement l’état des lieu d’un quotidien permanent où les formes s’épanouissent en apparence dans l’ordre pourri de l’intérieur qui constitue leur quotidien, en total calque avec l’image de société. Par exemple, le début de Tokyo Sonata réalisé par Kiyoshi Kurosawa expose les trajets parallèles des différents membres de la famille qui reproduisent les actions conditionnées par leurs catégories : l’enfant rentre de l’école, la femme au foyer s’occupe du foyer, mais le père rentre plus tôt du travail. En effet, il a été licencié. Et cette étrangeté dans le processus qu’on devine par l’étonnement successif de son fils et de sa femme vis-à-vis de la non exactitude temporelle de son action de « rentrer », met en évidence le rapport au quotidien du personnage du patriarche, celui qui est vecteur de l’ordre. Il mime la continuation de l’ordre quotidien des choses, et va continuer à mimer pendant que sa famille se décompose, feignant d’aller au travail ou faisant des leçon de rationalité à son fils cadet sur son avenir professionnel. Son rêve de quotidien, contrairement au personnage de Perfect Days, n’a rien d’une recherche de plénitude individuelle, elle s’inscrit dans un mécanisme de conservation de la société, conservation du « comme tout le monde », et donc de l’uniformisation des individus. La maison, théâtre de la famille, enferme toujours dans sa structure architecturale les corps de ses membres, comme si elle était conçue en coopération avec la répression. Tout ce qui compose le quotidien d’habitude, y comprit son incarnation par l’homme lui-même, est donc définitivement animée par la conservation qui est sa seule horizon, si bien que même face à la mort de cet état de vie on ne pense qu’à sa préservation.

Séquence de repas dans le film Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa sorti en 2008

Mais en réalité, dès le début nous savons que cet ordre est voué à la destruction. A vrai dire, on ne peut occulter la nature presque prophétique des deux premiers plans du film. Le premier est un travelling sur la maison vide dont l’immobilité fantomatique est brisée par le mouvement des pages d’un journal et d’un livre balayées par le vent. Si le plan nous inspire la pérennité du vide, il évoque aussi, par le mouvement incontrôlé du papier, son abandon, lui faisant revêtir un habit de ruine mystifiée par le vent. Le deuxième plan quant à lui représente dans un plan fixe la mère de famille accourant pour fermer la porte fenêtre afin d’empêcher la pluie d’inonder la maison. Elle repart chercher un torchon et essuie l’eau, avant de rouvrir la dite porte pour contempler la tempête. Au centre du plan, mise en valeur par le surcadrage causé par la présence d’une poutre en bois au milieu du champs, la porte fenêtre qui est la seule source de mouvement avec la femme semble être l’objet principal de l’image, étant donné que contrairement à la mère, on ne la quitte jamais des yeux. Quand la femme nettoie, elle est presque écrasée – toute sombre, cachée derrière la poutre – par cette vitre d’où surgit une forte lumière blanche et par laquelle on voit le mouvement violent des feuilles. Elle produit une attraction de l’œil qui finit partagée par la mère. Par ce geste d’ouvrir la porte, elle laisse entrer de l’air dans la maison en ruine, elle laisse surtout pénétrer la tempête dans la stabilité, et annonce la totale destruction de la famille qui va suivre. De plus elle s’offre un instant hors de sa fonction. La contemplation, le petit plaisir de l’instant retrouve sa forme car hors de la « logique », en rupture.

Second plan de Tokyo Sonata

Ces récits s’achèvent par un sacrifice de l’état d’habitude du quotidien afin de permettre aux individus de transcender le destin des formes qui leur était attribué. L’exemple le plus fort est certainement la transcendance architecturale de Crazy Family réalisé par Gakuryu Ishii. Les personnages y ont atteint une radicalité si extrême dans la tentative de conservation de leurs formes respectives qu’ils tentent, en cellules cancéreuses, d’éliminer les autres. Cette confrontation entropique amène à l’annihilation de la famille, de ses formes et de son théâtre. Le dernier plan est en effet un panoramique montrant les personnages habiter un terrain vague entre plusieurs voies d’autoroute. Il n’y a plus de réalité physique qui contraint les personnages, matérialisation de la destruction parallèle des contraintes sociétales entre eux. Leur émancipation ne se fait pas seulement entre eux mais vis-à-vis de la société, dont ils semblent dans cette image d’utopie s’émanciper du mouvement de continuation que symbolisent les autoroutes. On se réapproprie donc son quotidien, qui n’est avant tout dans ces films qu’un mode de vie, sans nature, conditionné par la société, qu’il convient de dépasser pour s’épanouir.

Hélas, on pourrait se plaindre que derrière cette métaphysique se trouve une impasse politique considérable, de part la pensée même qu’on puisse vivre « hors du système » avec l’approbation silencieuse de ce dernier (cela passe dans Tokyo Sonata, plus par un aménagement dans le système qu’une rupture avec lui). Mais rappelons que le cinéma est encore aussi l’affaire de communication de représentations, et qu’en proposant des images qui permettent de visualiser celles du système en tant que ce qu’elles sont -des représentations erronées et qui violentent l’homme – on permet déjà de créer des espaces esthétiques qui libèrent un temps le spectateur de l’hégémonie du système capitaliste, qui mettent pour une fois en situation de réflexion et résistent avec les personnages au cliché.

Séquence finale de The crazy family réalisé par Gakuryu Ishii en 1984

Peu exhaustive fut cette balade dans le cinéma japonais du quotidien. Le situer uniquement au japon n’était déjà pas bien exhaustif. Loin de renfermer les œuvres dans les commentaires qui ont été fait sur elles, l’idée était avant tout de confronter les représentation du quotidien, et de tenter de dépasser l’idée d’un cinéma des simples plaisirs de la vie de tout les jours. Le cinéma japonais du quotidien n’est pas à limiter dans cette relativisation du mode de vie lambda, l’idéalisation lointaine d’un ordonné jovial et enrichissant. Il peut permettre, en étudiant un rapport nouveau au temps, en se proposant de montrer ce qui n’est pas montré dans les autres récits, d’étudier au plus proche nos rapports avec la réalité, et ainsi explorer ses dynamiques, quand une œuvre comme Makanai sera éternellement sinistre de par sa finitude barbare, en ça qu’elle n’est intéressée que par l’idée de rendre confortable le quotidien, d’optimiser le vécu au point qu’il devienne commercialisable.

Chez nous de nouveaux cinéastes semblent vouloir explorer leur environnement quotidien, tentant de connecter leurs perceptions subjectives avec les mouvements objectifs du monde. Le chat et le laurier de Skander Chekili traverse divers chantiers vides d’activité et montre ainsi la scarification du paysage autant qu’une nouvelle manière d’aborder ces environnement, hors de leur aspect purement utilitaire et transitoire. Lorsque le soleil se lèvera à l’ouest de Joseph Garcia propose un enchainement de fragments quotidiens comme perpétuels espaces de pauses entre les actions de la vie, mais ne pouvant fuir la toujours envahissante présence du travail. Nous même avions essayé, à travers notre projet Mise-à-mort en été, de montrer que la contemplation du monde ne pouvait se faire aux dépends de la confrontation avec ses violences. Une chose revient cependant dans ces trois projets : le vide des espaces quotidiens, leur inhabitation étrange, en total contraste avec la normale effervescence du monde contemporain, et la présence perpétuelle des choses à leurs places, c’est-à-dire des êtres objectivés à leur travail ou dans un rapport d’usage avec les lieux. Cette attrait pour le vide semble déjà évoquer la futur création d’espaces de réappropriation des endroits du quotidien, la liberté de construire de nouvelles visions et de nouveaux mondes dans le désert.

Nuages d’été, réalisé par Mikio Naruse (1958)
  1. Pages 25-26, Petite bibliothèque payot
    ↩︎
  2. « Des films ou des passages de films (qui) confrontent la réalité matérielle visible aux idées que nous en avons peuvent soit confirmer celles-ci, soit les démentir. Les images de confirmation, autrement dit, sont invoquées en général non pour la conformité d’une idée à la réalité, mais plutôt pour nous convaincre d’accepter cette idée sans se poser de question. […] Il n’y a là que témoignages truqués. Ces fausses confirmations veulent faire croire et non pas faire voir. […] Le plan a une fonction d’embellissement plutôt que de révélation. Dès que les images visent cette fonction, on peut être certain qu’elles servent à prôner une croyance ou à renforcer le conformisme », Siegfried Kracauer , Théorie du film – La rédemption de la réalité matérielle (1960), Bibliothèque des savoirs Flammarion, 2010, p. 431-432  ↩︎
  3. « Prise dans ses qualités différentielles, celle-ci (la reproductibilité technique) autorise l’ouverture à un espace du visible qui, dans son ambiguïté, se soustrait tant à la mesure scientifique qu’à l’art traditionnel; un espace d’indétermination qui peut faire face à des phénomènes fugitifs dont les formes ne sont pas figées, définies, dénommables. […] La rue comme lieu moderne du hasard constitue un tel espace par excellence; » Philippe Despoix et Nia Perivolaropoulou, Introduction à Théorie du film: la rédemption de la réalité matérielle (1960), Bibliothèque des savoirs Flammarion, 2010, pages XVI – XVII ↩︎
  4. Roland Barthes, Image-Music-Text (1977), , London, Fontana Press, 1977, p. 74. ↩︎
Nino Guerassimoff
Nino Guerassimoff
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