Dans les moments les plus improbables de cette année, il est clair que personne n’avait pu prévoir la gigantesque flaque de sang qui allait s’écouler en ce moment même dans les salles obscures. Alors qu’il avait déjà créé la surprise l’année dernière (on en parlait déjà ici d’ailleurs), Art le Clown massacre actuellement toute concurrence. Difficile de savoir si c’est la – pourtant risquée – classification interdite aux moins de 18 ans osée du comité ou un effet aussi spontané que pour le précédent qui a motivé les plus curieux. Quoi qu’il en soit, Art a même réussi à se faire la peau du Joker Folie à Deux de Todd Philipps, mastodonte américain qui subit actuellement un refus inhabituel du public. Un cadeau de noël avant l’heure pour tout les fans de cinéma de genre, aussi jubilatoire que son troisième volet qui vaut, au-delà de son succès inespéré, nettement le coup d’œil.
En effet, avec son troisième numéro de cirque qui se déroule cette fois en pleine fête de Noël, Leone n’est désormais qu’à peu de choses prêt de franchir la frontière – déjà fine depuis le second opus – du slasher au cinéma extrême. Disposant d’un budget nettement plus généreux, le cinéaste lâche les rennes dans un train des horreurs aussi répugnant que captivant. Il n’hésite pas dès sa scène d’introduction à se débarrasser le plus vite possible de la règle d’or du film d’horreur afin de mettre les petits plats avec les grands. Avec Art, tout le monde y passe et trépasse sous le regard d’un sale gosse amusé. Un festival de tripailles et de joyeux effets pratiques réussis qui éclaboussent salement et s’insère dans des recoins qu’on n’aurait jamais soupçonné. Damien Leone et son équipe dégoulinent d’idée macabres à se tordre le bide sans oublier de soigner leur image. L’éclairage sort du rouge et bleu néon habituel et le tout s’affirme dans des tons de séries bis toutes droit sorties des années 80 aux couleurs vives – contrastant avec le rouge sang épais des victimes. La réalisation se montre souvent créative avec de jolis panoramiques, et le film a visuellement un cachet certain. Et même quand il recycle, Leone utilise toujours aussi intelligemment ses références afin d’y faire des hommages passionnés, de Black Christmas à The Shining en passant par Jason X, jamais tape à l’œil.
Pour apporter de la nouveauté, Art se retrouve accompagné par Victoria Heyes, une victime du premier film qui se retrouve possédée par un démon affamé de sortir des Enfers et de venir se nourrir de chair terrestre. Car si David Howard Thornton est toujours aussi habité par la folie d’Art, Samantha Scaffidi amène avec Vicky une horreur encore plus viscérale, un mal sans recul comique qui n’est là que pour achever et sévir. Le choix d’en faire une nouvelle antagoniste permet à son réalisateur de continuer à creuser l’univers de Terrifier et sa mythologie, qui continue clairement de s’inscrire dans la lignée d’un Freddy. Avait on vraiment connu depuis l’âge d’or une iconisation aussi vive d’un personnage de slasher d’ailleurs ? Tout comme ce fut le cas avec Freddy et son Dream Warriors à l’époque, ce troisième film permet désormais à Art de s’élever officiellement au rang des incontournables du genre. Et quoi de mieux pour cela que de le voir piétiner une fête si chère au pays de l’Oncle Sam ?
En effet, Terrifier 3 assume aussi plus que jamais son côté comique, au risque de surprendre un public qui n’était jusque-là pas très familier avec l’univers Terrifier et qui vont découvrir le film vierge. Toujours dans un excès démesuré, la violence arrive, grâce à son vilain clown farceur, à arracher un sourire complice. On prend un malin plaisir à voir Art et sa complice remplacer les guirlandes du sapin par des intestins et s’approprier tout les codes puritains de la fête du Santa Claus américain pour les massacrer joyeusement. Le père noël est ici une vraie ordure et son côté cartoonesque se marque dans des scènes de comique de situation hilarantes. Que ce soit lorsque Art rencontre le « véritable » père noël ou lorsqu’il surprend une conversation de l’une de ses admiratrices, le ton dérisoire et grand guignol s’insère enfin parfaitement dans un juste milieu entre l’humour macabre et l’outrance graphique de ses images. C’est peut-être sur ce point qu’il est encore plus difficile de comprendre la classification d’un film qui souhaite toujours pousser la violence et l’extrême de ses situations dans l’absurde et le rire jaune. Et quand bien même le film soit excessivement violent (il l’est), la scène de la chambre du second volet restera probablement la plus marquante de la franchise (qui avait alors écopé d’un moins de 16 ans en France). Mais si la curiosité de l’interdit a permis d’amener un plus grand public en salles, alors tant mieux.
Enfin, le récit construit par Leone se dote de quelques thématiques intéressantes et rafraichissantes pour le genre. Tout d’abord, le traitement du personnage de Sienna – final girl du précédent opus. Il était rare jusqu’alors de s’attarder sur les traumatismes des personnages de slasher, de leurs états d’âmes après avoir survécu à l’enfer et de leur situation. Leone décide d’en faire un des sujets majeurs en nous montrant une Sienna affaiblie, aussi mentalement que physiquement avec des cicatrices à peine refermées. Toujours aussi bien incarnée par la scream queen à en devenir Lauren LaVera, elle ne dort plus et se retrouve confrontée à des visions cauchemardesques des victimes qu’elle a pu apercevoir. Son affrontement avec le clown l’a marquée aussi bien physiquement que mentalement, tout comme son frère Jonathan essayant tant bien que mal de s’intégrer à son université. C’est là-bas qu’il rencontre notamment Mia, une « vraie fan de true crime » complètement obsédée par les meurtres des proches de Jonathan et Sienna qui dirige un podcast sur le sujet. Le cinéaste y glisse avec ce personnage une nette critique de l’obsession morbide qui peut convoquer le mal et la perversion dans les affaires de meurtres. Un mal qu’elle finira sans surprise par trouver dans une scène où Leone décide de faire d’une pierre deux coups en s’attaquant frontalement aux critiques faites sur la supposée « misogynie » de ces films, qui auraient oubliées qu’Art n’a aucune limite.
Finalement, au-delà de ses scènes gores plus que réussies et jubilatoires, Terrifier 3 est sans conteste le film le plus abouti de son cinéaste et de son univers. Généreux, intelligent thématiquement et aux caméos hilarants, une vraie réussite qui donne envie de découvrir comment tout cela va se conclure dans un dernier et quatrième opus déjà annoncé par son créateur. Un opus qui s’annonce déjà comme plus ambitieux et qui, avec les promesses laissées à la toute fin, nous rends déjà impatients.
La Note
Vous pouvez d’ailleurs retrouver les premiers opus de la franchise Terrifier – incluant aussi All Hallows Eve – directement sur la plateforme de SVOD française Shadowz qui distribue également le film en collaboration avec ESC Editions et Factoris Films chez nous.