La prison en 10 films

Le 7ème art et la prison ont toujours partagé des liens très étroits. Son univers restreint, claustrophobique donne souvent lieu à des histoires incroyables et des performances mémorables. Les classiques comme ‘Les Evadés’, ‘Papillon’, ‘La Ligne Verte’, ‘Un Prophète’, ‘Midnight Express’ ou encore la trilogie ‘Pusher’ sont des preuves plus qu’évidentes que le monde de la prison est source de films de qualité quand l’histoire parvient à se saisir parfaitement de la richesse du décor dans lequel elle s’inscrit. Univers suffocant, personnages jetés en pâture dans un monde brutal ou règne la loi du plus fort, plan d’évasion spectaculaire, émeutes… Tous ces ingrédients plaisent aux spectateurs et expliquent en partie le succès des films prenant place derrière les barreaux.

Nous vous proposons de revenir sur 10 films dont l’action se déroule dans le milieu carcéral. 10 films peut-être moins connus mais qui méritent tout autant que l’on s’y attarde.



1. Brubaker – Stuart Rosenberg (1981)

Synopsis : Arrivé incognito parmi d’autres détenus à la prison de Wakefield, Henry Brubaker observe et étudie ce qui se passe autour de lui. Il découvre un monde fait de brimades, de sévices et de corruption de la part des gardiens. Après quelques jours, il révèle sa véritable identité. Il n’est autre que le nouveau directeur, nommé par le gouvernement pour procéder à d’importantes réformes.

Avis : Ce film de Stuart Rosenberg a pour but de monter l’inhumanité des prisons. Librement inspiré du livre du directeur de prison Tom Murton, le long-métrage Brubaker met en scène le superbe Robert Redford en directeur de prison infiltré qui s’est donné une mission: dénoncer les injustices qui règnent au sein du milieu carcéral des Etats-Unis. En résulte une œuvre puissante, bien que caricaturale sous certains aspects, mais dont le message résonne encore de nos jours alors que les Etats-Unis ont payé et payent encore le scandale de Guantanamo et que la France est confrontée à un autre problème de société : la surpopulation carcérale.


2. Section 99 – S. Craig Zahler (2018)

Synopsis : Un ancien boxeur devient passeur de drogues, pour finalement se retrouver contraint de se battre pour sa vie en prison à la suite d’un deal qui a mal tourné.

Avis : Si vous voulez voir un Vince Vaughn dans un rôle à contre-emploi en ex-boxeur brutal, bestial qui fracasse d’autres détenus, voici le film qu’il vous faut. S. Craig Zahler nous propose un film de série B gore et violent, une longue descente aux enfers, qui ne pourra pas vous laisser indifférent.


3. Une prière avant l’aube – Jean-Stéphane Sauvaire (2018)

Synopsis : L’histoire vraie de Billy Moore, jeune boxeur anglais incarcéré dans une prison en Thaïlande pour détention de drogue. Dans cet enfer, il est rapidement confronté à la violence des gangs et n’a plus que deux choix : mourir ou survivre. Lorsque l’administration pénitentiaire l’autorise à participer à des tournois de Muay-Thai, Billy donne tout ce qui lui reste.

Avis : Véritable expérience physique et mentale, Une prière avant l’aube est de ces œuvres qui marquent la rétine. Joe Cole, délivre une performance magistrale en incarnant ce jeune boxeur anglais seul face aux éléments, seul face à la difficulté et l’atrocité des prisons thaïlandaises dans un pays qu’il ne connait pas et dont il ne comprend pas les codes, les coutumes et la langue. L’absence de sous-titres pendant une majeure partie du film, accentue ce côté immersif et vous embarquera en compagnie de Billy dans une lutte pour sa survie, votre survie. Jean-Stéphane Sauvaire propose une aventure viscérale, brutale, bien servie par l’enfer des conditions de détention d’une prison ou il ne fait pas bon vivre. Tout simplement magistral.


4. Felon – Ric Roman Waugh (2008)

Synopsis : Wade Porter perd tout quand il tue accidentellement le voleur qui fait irruption dans son domicile. Reconnu coupable d’homicide involontaire, Wade est condamné à passer trois ans dans un établissement à sécurité maximale. Forcé de partager une cellule avec le célèbre tueur en série et soumis à des passages à tabac orchestrés par le sadique gardien de prison, Wade se rend compte qu’il devra tout faire pour survivre… quelles que soient les conséquences…

Avis : Basé sur les fameux ‘combat de gladiateurs’ organisés par les gardiens de la prison d’Etat de Corcoran dans les années 1990, Felon souffre de la comparaison avec d’autres œuvres plus connues et qui ont bénéficié d’une meilleure exposition. Mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un film solide et efficace qui mérite le coup d’œil.


5. La Colline des hommes perdus – Sidney Lumet (1965)

Synopsis : Durant la Seconde Guerre mondiale, dans un camp disciplinaire britannique en Libye, se dresse une colline artificielle construite par les prisonniers…

Avis : Adapté de la pièce de théâtre The Hill de Ray Rigby et R. S. Allen ce film du génie Sidney Lumet met en lumière une construction artificielle au sein d’un camp d’emprisonnement (la fameuse colline), que les détenus (des soldats accusés d’avoir volés ou désertés) sont condamnés à gravir et redescendre en guise de châtiment. Jouant un rôle majeur, la colline est le moyen ultime et sadique du corps militaire pour briser ces hommes qui ont déshonoré l’uniforme et les remettre sur le droit chemin. Sable, sueur, souffrance, chaleur insoutenable…Sidney Lumet filme de manière magistrale le quotidien infernal de ces détenus sous un soleil de plomb guidés par un Sean Connery charismatique et majestueux. Bluffant.


6. Hunger – Steve McQueen (2008)

Synopsis : Prison de Maze, Irlande du Nord, 1981. Raymond Lohan est surveillant, affecté au sinistre Quartier H, celui des prisonniers politiques de l’IRA qui ont entamé le « Blanket and No-Wash Protest » pour témoigner leur colère. Le jeune Davey Gillen, qui vient d’être incarcéré, refuse de porter l’uniforme car il ne se considère pas comme un criminel de droit commun. Rejoignant le mouvement du Blanket Protest, il partage une cellule répugnante avec Gerry Campbell, autre détenu politique, qui lui montre comment communiquer avec l’extérieur grâce au leader Bobby Sands.

Avis : Pour son premier long-métrage, Steve McQueen choisi d’adapter le combat de Bobby Sands et le fameux ‘Blanket Protest’, mouvement impliquant une grève de la faim, moyen choisi par les prisonniers politiques de l’IRA pour protester contre le refus des autorités de leur donner un statut particulier. Complètement investi psychologiquement et physiquement dans son rôle (avec une perte de poids de 14 kilos), Michael Fassbender incarne parfaitement un homme qui compte se battre jusqu’au bout pour ses convictions. Filmé au plus près des conditions de vie de ces combattants d’idée, Hunger est une œuvre viscérale, brutale, aux images insoutenables. Rien ne vous sera épargné, rien ne vous sera caché. Une expérience cinématographique bouleversante.


7. Sans rémission – Edward James Olmos (1992)

Synopsis : Santana, jeune latino des quartiers Est de Los Angeles, devient un parrain de la Mafia mexicaine et opère au sein de la prison de Folsom. Une fois sa peine effectuée, Santana découvre que la vie d’un latino dehors est aussi dure que derrière les barreaux et que son passé sanglant ne va pas lui faciliter la tâche pour tourner le dos à son ancienne vie.

Avis : Réalisé et joué par Edward James Olmos, le film évoque le sort d’une Amérique divisée, déchirée, du quotidien et des conséquences de l’ostracisme d’un pays envers la communauté mexicaine. Erreur de jeunesse due à une fascination exacerbée envers les gangs, grandir et survivre dans un milieu sans pitié, difficulté de réinsertion, destin tragique inéluctable…Tout est parfaitement traité par Edward James Olmos dans un premier film sans artifice, simple mais efficace par la froideur de la réalité qui y est dépeinte.


8. Les poings contre les murs – David Mackenzie (2014)

Synopsis : Éric est un voyou jeté en prison. Alors qu’il lutte pour s’affirmer face aux surveillants et autres détenus, il doit également se mesurer à son père.

Avis : Bien qu’étant imparfait, ce film au-delà de cocher toutes les cases d’un film se passant dans le milieu carcéral, va apporter une nouvelle dimension intimiste avec la cohabitation d’un père absent (et incarcéré à vie) et de son fils au sein d’une même prison. Une recherche de la rédemption va s’instaurer chez les différents protagonistes et notamment chez un fils et un père qui ne se sont jamais connus mais dont l’exiguïté carcérale va les rapprocher. D’un côté, un Jack O’Connell terrifiant de vérité, en manque de repères et cherchant à se faire respecter dans une prison pour adultes par une violence exacerbée. De l’autre, un magistral Ben Mendelsohn, en chef de meute s’essayant maladroitement à jouer son rôle de père qu’il n’a jamais pu honorer, la faute à des mauvais choix et à une vie de taulard qui s’est imposée à lui. Un film réaliste, violent, bouleversant, à découvrir d’urgence.


Une jeunesse sous surveillance

9. Coldwater – Vincent Grashaw (2014)

Synopsis : Brad est un adolescent envoyé dans le camp de rééducation de Coldwater. Le contact avec l’extérieur y est impossible, il tente alors de s’échapper.

Avis : Avec son premier long-métrage, Vincent Grashaw propose une plongée dans le milieu carcéral juvénile. Il dénonce plus particulièrement le fonctionnement de ces lucratifs camps de redressement privés pour mineurs ou tous les moyens sont bons pour remettre ces ‘mauvais citoyens’ sur le droit chemin. Une prison à ciel ouvert servant d’ultime moyen d’éducation pour des ados à problème dont les parents ont cessé de se battre et pensent à tort que cela aidera et n’aura aucunes conséquences futures (physiques et/ou mentales) sur leur progéniture. P.J Boudousqué (dont la ressemblance avec Ryan Gosling est plus que frappante) est la véritable révélation de ce film et délivre une performance remarquable. Rappelant fortement le fonctionnement des thérapies de conversion, ces camps existent toujours. La parole se libère et les récents témoignages des ‘participants’ et des ‘survivants’ permettent de mettre en lumière les dérives d’une société américaine accrochée à une méthode d’éducation archaïque et désespérée.


10. Dog Pound – Kim Chapiron (2010)

Synopsis : Davis, 16 ans, trafic de stupéfiants. Angel, 15 ans, vol de voiture avec violence. Butch, 17 ans, agression sur un officier de probation. Une même sentence : la prison pour délinquants juvéniles d’Enola Vale. Arrivés au centre de détention, ils devront choisir leur camp, victime ou bourreau.

Avis : Prenant place dans un pénitencier pour mineurs, l’intrigue de Dog Pound s’intéresse à l’arrivée de Butch, Davis et Angel dans cette fourrière (Dog Pound en anglais) et traite plus particulièrement de la loi du plus fort et des rapports de force entre détenus qui règnent au sein de ces établissements censés éduquer une jeunesse perdue. Kim Chapiron filme avec ingéniosité un environnement ou la violence est le seul moyen de se faire respecter et assurer sa survie. Mais cumulant une telle haine, hargne, violence enfouie aux mètres carrés, la cocote minute d’Enola Vale finira par exploser et entraîner tous ces protagonistes dans une lente descente aux enfers ou aucune issue de secours ne pourra les sauver d’une fin tragique inévitable. Un film coup de poing.

Bonus : vous en reprendrez bien un peu pour la route

La prison peut parfois se traduire et s’exprimer d’une manière différente que ce soit par le biais d’un docu-fiction à caractère dénonciateur ou à des fins d’expérience dans le but d’une analyse comportementale. Retour sur deux films puissants abordant le milieu carcéral d’une manière diamétralement opposée, mais dont les enseignements nous pousse à nous interroger sur le fonctionnement même de la société dans laquelle on vit, et sur le monde de la prison censé ‘réaxer’ des individus ‘mauvais’ ou qui se sont perdus en chemin sur le parcours de leur existence.


1. Punishment Park – Peter Watkins (1971)

Synopsis : Face à l’opposition grandissante contre la guerre du Vietnam, Richard Nixon punit sévèrement les opposants en les envoyant dans un camp de redressement.

Avis : Le film de Peter Watkins s’inscrit dans une période particulière de l’Histoire des Etats-Unis, un pays divisé au bord de l’explosion et en pleine remise en question. Basé sur le McCarran Internal Security Act mis en vigueur en 1950 et qui permet d’arrêter et emprisonner toute personne pour laquelle il existe un soupçon raisonnable de croire qu’elle est un danger pour la nation, Punishment Park part d’une situation simple : tout ceux qui sont contre la guerre au Vietnam sont arrêtés. S’en suivra une audition (forcément biaisée mais empreinte d’échanges intéressants) et un jugement des nouveaux arrivés dans le camp, qui devront choisir s’ils acceptent leur peine de prison ou la commuent dans une course de plusieurs kilomètres dans le désert sans eau ni nourriture pour atteindre un drapeau américain. Véritable entreprise de survie dans une prison à ciel ouvert, cette œuvre de docu-fiction déstabilise par son réalisme bluffant (du fait de son procédé) et son caractère intemporel.


2. The Stanford Prison Experiment – Kyle Patrick Alvarez (2015)

Synopsis : Vingt-quatre étudiants masculins sont sélectionnés pour constituer une fausse prison dans le sous-sol d’un bâtiment de l’université de Stanford.

Avis : Cette œuvre est la plus proche et la plus réaliste de ce que fut l’Expérience de Stanford réalisée par le psychologue Philip Zimbardo en 1971 dont le but était d’étudier le comportement humain en milieu carcéral. On y suit 24 étudiants choisis après avoir passé des tests psychologiques et physiques et répartis de manière aléatoire dans les rôles de prisonniers ou de gardiens. Arrêtée au bout de 6 jours contrairement aux 2 semaines qui étaient prévues, l’expérience vira à la catastrophe. Les participants et le psychologue ont tous été dépassés par l’enjeu, par le rôle qui leur avait été attribué. En résulte une expérience éprouvante et révélatrice que le film de Kyle Patrick Alvarez a parfaitement su restituer contrairement aux deux précédents long-métrages Das Experiment (2001) et The Experiment (2010).


Nous espérons que cet article vous aura permis de découvrir des nouveaux films se passant dans le milieu esthétique et inspirant que représente celui de la prison. Qui sait ? Peut-être que certains d’entre eux viendront bientôt compléter votre DVDthèque.

Jérémy Denis
Jérémy Denis
Publications: 15